Sakaiminato n’est pas seulement le plus grand port de pêche de l’ouest du Japon, ce n’est pas seulement le port d’où part le ferry qui nous ramène en Russie, c’est aussi la ville où à vécu le célèbre mangakaMisuki Shigeru. Nous n’y connaissons rien en mangas et pour tout dire ça ne m’a jamais attiré. En plus, c’est le fondateur des mangas d’horreurs, des monstres et des fantômes (on dit yokai, tengu, kappa) (voir wiki)
Pourtant dès que la pluie, qui tombe en hallebardes ce matin, envisagera de cesser nous enfourcherons nos vélos pour aller dans la rue principale célèbre pour ses statues de bronze qu’on déniche comme un jeu de pistes et dont chacune représente un personnage célèbre des manga de Misuki. (C’est le guide qui dit). Mise à jour : nous avons bravé le risque d’être trempés et avons enfourché les vélos, nous ne regrettons pas le voyage !
Ça ne vous dit rien ?
Ce fut un festival de n’importe quoi!
Ca, c’était aujourd’hui.
Pour le reste, nous ne pouvions pas quitter Kyoto sans aller admirer sa grande gare d’acier et de verre construit par un architecte nippon célèbre dont j’ai oublié le nom. Jardins suspendus au 10ème étage, boutiques de luxe, et des multitudes de restaurants dont les devantures proposent mille menus en plastique plus vrai que nature.
Voici 30 secondes de zénitude …
Ici, lèche-vitrine a peut-être tout son sens, mais ça reste quand même du plastique!
Jean-Luc s’est revu devant le jeu vidéo des Lemmings.
Petite leçon de maintien et de bonne conduite féminine captée sur les écrans géants de la gare, les seules geishas que nous aurons vu …
Et surtout, n’oublions pas le Shinkansen!
…
Puis il faut partir en douceur, alors nous choisissons une fois encore la route de la montagne, luxuriante, vert profond, aux villages blottis dans les creux de vallées. Il a plu sans interruption toute la journée mais il faisait doux comme une pluie tiède. Jean-Luc m’avait réservé une jolie surprise. Dans un hotel-onsen perdu sur le flan de la colline nous attendait un dîner gastronomique japonais. Merci, merci.
Cà, c’est le onsen des dames
… et çà, c’est à vivre!
Une présentation éblouissante, d’un raffinement si parfait que nous ne savions pas par quoi commencer. Un serveur prévenant est venu nous expliquer chaque plat, chaque mets, chaque sauce et tel mets est à marier avec telle sauce etc.
Mes yeux et mes papilles n’oublieront jamais. Certains mets ont été pour moi détonants ! Le truc qui ressemblait à une méduse rose et le joli bol avec un truc qui ressemblait à une giclée de sperme géante qui filait entre mes baguettes ! En revanche les lamelles de bœuf de Kobé étaient fondantes à souhait et j’étais heureuse de goûter cette viande si précieuse dont j’avais vu un reportage sur Arte.
Je laisse la place aux photos qui mieux que mes mots montreront ce raffinement.
En conclusion
Ai-je, avons-nous aimé le Japon ?
Les japonais sont très accueillants, très aimables, très souriants, très polis, très raffinés, très élégants, très respectueux, très serviables, très prévenants.
Le japon est très propre, organisé, policé, strict, beaucoup d’injonctions, déférentes certes, mais incontournables, beaucoup d’interdictions et peu de place à l’imprévu.
Une chouette rencontre avec Phil, un français de deux parents japonais installés à Paris. Lui ne parle pas japonais, il vit et travaille en Australie. Il est à Kyoto pour son travail (en anglais) et il disait que les japonais ne se rendaient pas compte de l’effort qui leur est demandé sans cesse. Ils travaillent de 9 h à 22h ou 23 h et ils considèrent que c’est normal : travail, travail. Phil rajoute que les rencontres sont impossibles en dehors du travail puisqu’il n’y a que peu de temps pour le repos, les soirées, les loisirs. Donc les couples se forment dans l’entreprise et le patron est content, c’est même souvent lui qui va gérer les autorisations de grossesse!
J’ai lu que c’était un pays élitiste, où la compétition commence dès la maternelle souvent par un entretien d’entrée avec tests; on a vu que l’école était sur 5 jours et demi.
Alors, je dirais que pour un touriste, le Japon est un rêve, un pays déconcertant qui bouscule notre culture avec plaisir. Mais y vivrais-je ? Je ne crois pas, j’aime trop le bazar, le fouillis, le brouillon râleur de mon pays.
Alors voilà, on racontera de vive voix ce qui nous reviendra à l’esprit sans perdre de vue que presque trois semaines au Japon ne nous fait pas connaître le pays et d’autant plus que nous avons choisi de rester dans le Kansai si montagneux et beau lors que le pays à mille facettes.
Cette fois, pour de vrai Sayonara.
Sans oublier une série de n’importe quoi !
D’abord le coin fumeur!
Ensuite, le bac à promenade des enfants de la crèche.
C’est ce qui saute aux yeux quand on arrive au Japon. Tout semble parfait, si propre et étincelant que si on marchait pieds nus, ils resteraient propres.
J’ai lu qu’un Pokemon quand il est content dit « pika, pika », en fait ça veut dire « immaculé ». Parce que la propreté dans l’échelle de valeur est « bien ».
Les camions brillent, les autobus et les bornes à incendie aussi. Tout ce qui est en chantier ou en construction est caché derrière de larges panneaux blancs coulissants. Si on jette un œil dans l’interstice, on voit le grutier qui bosse en chemise blanche. On voit aussi des hommes à genoux sur un trottoir impeccable qui grattent à la brosse métallique une trace de chewing-gum jeté par un impoli. Inutile de dire que fumer est encore plus impossible qu’en Russie mais il y a des coins fumeurs de temps à autre et, paradoxalement il y a beaucoup de restaurants fumeurs.
Il ne faut pas s’imaginer que les japonais sont parfaits. En roulant dans la montagne, j’ai vu des ravines de déchetteries sauvages. Pourtant, tout est si ordonné, policé, organisé qu’il reste peu de place au hasard.
Cette propreté ahurissante pour nous occidentaux fait partie de la culture nippone qui accorde une place particulière à la purification depuis l’origine du shintoïsme. Je fais un parallèle avec les indiens pour qui purification et propreté vont de pair, sauf que chez eux, ils balaient et nettoient devant leur maison et repoussent les déchets chez le voisin.
Au Japon, c’est une notion de groupe, de communauté, de respect de soi et des autres. Les sento (bain public) et les onsens (source d’eau chaude) relèvent du rite de purification tant du corps que de l’esprit. Finalement un hygiénisme culturalisé.
Quand on rentre dans un appartement ou une petite boutique (en sont exemptés les galeries marchandes et les grands magasins) on enlève sur le palier intérieur ses chaussures. Dans notre studio, c’est l’équivalent d’une marche et nos godillots de motos y prennent toute la place.
Un petit aparté pour les chiens : aucune déjection canine et nulle part, même dans les parcs. Les propriétaires promènent leurs toutous en laisse avec le sac en plastique et la bouteille d’eau. Chien fait pipi sur le trottoir, hop, on rince avec la bouteille, il fait caca, hop le sac ad hoc qui rejoint le plus grand sac plastique qui lui sert à ses propres déchets (mouchoirs en papier, bouteille d’eau vide, tasse en polystyrène etc.)
La salle de bain de notre studio, minuscule, s’utilise comme suit : s’assoir sur un petit tabouret, se savonner en totalité, se rincer soigneusement et ensuite s’installer dans la baignoire, profonde mais courte, les genoux repliés sur la poitrine et tremper ainsi en méditant. L’eau de la baignoire doit rester pure et transparente, peut servir à plusieurs membres de la famille en commençant par le plus âgé et être utilisée plusieurs jours en la couvrant pour maintenir la température de l’eau. Jean-Luc dit que c’est comme une piscine d’appartement.
Fait-on ainsi ? Bé non. On se douche comme chez nous et on ne rentre même pas dans la baignoire (bouhh les vilains)
Et les toilettes ? On y passerait sa vie ! abattant chauffant, jet d’eau correspondant aux orifices qu’on veut nettoyer, plein de boutons à utiliser.
Je laisse intacte votre imagination !
P n°2 comme Poubelles (on dit gomi)
Alors là, je peux vous dire que nous nous sommes interrogés.
Il n’y a aucune poubelle dans les rues. Chacun est responsable de ses cochonneries. Certains mettent leurs menus déchets de la journée dans un sac en plastique et dans le panier du vélo. On trouve quand même devant les kombinis (supérettes) des poubelles de tri.
Le ramassage des ordures est quotidien. Dans des sacs transparents. Nous n’avons pas trop compris le tri puisque le verre va avec le carton. Pour le plastique, c’est à part. J’ai lu qu’on triait en fonction de ce qui est combustible et ce qui ne l’est pas. Alors le verre ? On dit que les japonais sont les champions du recyclage. Les poubelles sont nouées puis placées sous des filets bleus arrimés sur le trottoir ou dans des conteneurs d’une blancheur éclatante et verrouillés. Tes ordures ne sont pas mes ordures, non mais !
Pourtant, s’ils sont champions du recyclage, l’écologie en prend un sacré coup. Comme tout est emballé très élégamment, on se retrouve avec une multicouche d’emballages. Nous cherchions une plaquette de beurre et la trouvant enfin elle est emballée dans un carton décoré, sous le carton, une boite en plastique et pour être vendue encore un plastique. Ainsi, chaque fruit est emballé soigneusement, chaque aliment idem.
Dans une société fortement industrialisée et urbanisée, se débarrasser des déchets est un réel problème et les japonais en matière environnementale ne sont pas très bien classé. J’ai lu que, à l’est de la mer intérieure de Seto il y avait une île déchets, que le gouvernement a conscience du problème et que l’objectif zéro déchets comme il en existe dans certaines petites villes devraient s’étendre à tout le Japon.
P n°3 comme politesse
Une politesse qui après l’âpre et austère Russie nous a fait un immense plaisir. Même si c’est une politesse de façade, c’est surtout un code de conduite que nous avons bien oublié dans nos pays. Un savoir vivre et un savoir être très plaisant mais aussi pour nous deux la crainte de commettre des impairs. Enfin, on sait quand même que l’on salue le buste droit, pour Jean-luc les mains à plat de chaque côté et une inclinaison de tête, pour moi, les deux mains sur les cuisses et une inclinaison de tête.
J’ai lu aussi qu’on ne dit pas sayonara si célèbre parce que ce mot n’est pas bon et même si les japonais nous pardonnent facilement, eux ne l’utilise pas parce que c’est comme -adieu- et ça coupe le lien entre les êtres. On dit « dewa ogenkidé » qui prend le sens de à la louche « au-revoir, prenez soin de vous jusqu’à notre prochaine rencontre ». Vrai ou pas ? Le jeune d’ici dit sayonara.
Google trad nous proposait moshi-moshi pour bonjour et bé non, ça, c’est comme allo au téléphone. On dit Ohayo le matin jusqu’à 11 h, Konnichiwa l’après-midi.
Merci, c’est aligato suivi de quelque chose qui change à chaque fois et que je n’arrive même pas à prononcer. Mais aligato va très bien et on s’aperçoit que dans tous les pays ne dire ne serait-ce que quelques mots fait plaisir aux gens.
G comme gastronomie A vos baguettes!
Nous allons au restaurant ou on mange chez nous après avoir fait notre marché.
Tout est poésie, les couleurs, la présentation, les formes et c’est si joli que parfois, j’ai l’impression de casser un édifice d’art.
Si nous avions des réticences à manger du poisson cru et des algues, c’est fini parce que c’est délicieux. Le palais est maintenant prêt à recevoir n’importe quelle saveur sauf le wasabi que décidément nos papilles ne veulent pas. Pas pour son piquant, les épices, on aime mais pour son goût.
Bon, si Jean-Luc mange depuis longtemps avec aisance en utilisant ses baguettes, je regrette souvent ma main droite indienne qui tripatouillait allègrement mon riz.
Pour savoir si un restaurant est ouvert, c’est facile, il y a des petits rideaux à mi-hauteur, qu’on appelle norem. S’ils pendent, c’est ouvert et il suffit de soulever pour se laisser surprendre.
On mange du poisson et c’est normal dans un archipel, du riz, des algues toutes différentes, certaines au gout d’épinards, des nouilles, épaisses, fines, blanche ou ivoire, des œufs, des trucs frits légèrement. Rien n’est gras, tout subjugue. Et on reste interdit devant le choix. Quand il y a une image ou une représentation plastique c’est simple, quand le troquet est tout petit, on y va au pif et c’est bon. Tout est frais et sain, ça se sent, ça se goûte.
Jean-Luc qui déteste le poulpe se laisse séduire par les fines tranches trempées dans la sauce okonomiyaki (j’ai recopié hein faut pas croire !)
Pour les nouilles, c’est fou le choix : ramen, soba, sonem. Les japonais font « slurp » en aspirant leurs nouilles et ça veut dire que c’est bon. Je fais slurp aussi mais c’est parce que je galère avec mes baguettes.
On s’achète aussi des bento (c’est la gamelle que prépare la mère ou l’épouse pour midi) mais qu’on trouve maintenant partout dans les kombinis. Nous avons au bout de notre ruelle un Family Mart, bien pratique.
Tout est si joliment présenté qu’il est finalement impossible de se goinfrer pour ne pas abîmer ce bel agencement.
Ce qui me manque, nous manque, ce sont les fruits si chers. 8 euros les 9 fraises. 1 euro la banane, et tout ainsi. La salade aussi est chère et les tomates pfiuuuu : 2 tomates 4,5 euros. Le fameux concombre poilu n’est pas un concombre mais un légume dont on ne mange que la peau et qui a une terrible amertume. Mais y’a les glaces à tous les parfums et même au … wasabi !
C comme carpe.
Les carpes sont très emblématiques. Les carpes Koi arborent des belles couleurs rouge mouchetée de vermillon, on les voit autour des temples dans les étangs. Porte-bonheur ou symbole d’amour et de virilité, elles sont très prisées par les collectionneurs.
On voit des bannières qu’on appelle koinobori (j’ai cherché) en forme de carpe en l’honneur de la fête des garçons pour qu’ils héritent des vertus de la carpe.
Une carpe portant la vertu de virilité ! ça me fait rire. Aujourd’hui c’est en l’honneur de tous les enfants dont la fête est début mai, voilà pourquoi nous avons vu des bannières de carpes oubliées.
J comme jardin en incluant les forêts.
Dans l’agitation et la foule extrême, les jardins sont à mon sens des nécessités, des havres de paix et de tranquillité. Souvent minimalistes et bien ratissés, toujours harmonisant les formes et les couleurs. Nous avons aimé marcher et nous reposer. Peut-être, les japonais ont-ils besoin de ces espaces de vide et de calme pour supporter l’urbanisation galopante? Peut-être? …
Et maintenant
Ce que Jean-Luc aime
L’astucieux système sur les fils électriques pour empêcher les oiseaux de se percher
Les pare vues de chantier
Les ouvriers qui, le soir, lavent chacun de leurs outils avant des les ranger dans une boîte elle-même lavée. La toupie à béton est aussi rutilante que si elle était neuve, la pelle de la grue est impeccable
La politesse de tous et les sourires si faciles
Le riz qui colle mais pas comme celui que je fais quand j’ai oublié le temps de cuisson.
Le charme des femmes et hommes en kimonos
La sobriété en tout toujours
La beauté des jardins et des temples
Ce que Dominique a aimé
Les chaussures des ouvriers et jardiniers comme des guêtres ou comme une deuxième peau avec trois orteils-deux orteils à moins que ce soit un orteil-quatre orteils.
La démarche à petits pas des japonaises quand elles portent des geta (tong en bois épais)
Etre intriguée et n’avoir pas de réponse pour toutes ces jeunes filles et femmes qui portent des chaussures (mocassins, à talon, baskets ou autre) qui ont l’air d’avoir une pointure en trop. Promis, j’ai bien regardé, on pourrait glisser un doigt entre le talon et la chaussure
Les Yukatas, sorte de kimonos qui n’en sont pas, tout fleuris et colorés.
Les sushis parce que ça s’attrape facilement avec les baguettes. Tiens, au fait, il parait qu’à certains endroits on mange le poulpe vivant et que ces ventouses se collent au palais !
Les parapluies mis à la disposition de chacun, quand la pluie s’abat, devant les boutiques et magasins.
Les voitures chihuahuas, celles en jaune surtout.
Les minuscules ruelles aux maisons bordées de pots de fleurs
La beauté des jardins et des temples
Photographier n’importe quoi et Jean-Luc s’y met aussi
Ce que Dominique n’aime pas
Le Wasabi
Que le propriétaire me salue à chaque fois que je sors fumer au coin fumeur et à chaque fois que je rentre. (Du coup je fume moins !)
Les vélos qui m’arrivent dans le dos et en règle générale tous les vélos en tout sens parce que je ne sais jamais de quel côté me mettre
Me sentir saturée de l’agitation et des foules dans la ville.
Me dire que je ne connaitrai qu’une si infime particule de ce pays fascinant (oui, je sais, n’est-ce pas déjà une chance inouïe que d’être là?).
PS:
Ce petit blog que nous écrivons à quatre mains est conçu pour notre famille et nos amis mais aussi pour nos mémoires qui déraillent ou défaillent.
Nous n’avons pas indiqué les noms et les lieux des temples, jardins, montagnes etc.. pour deux raisons :
La première : il faudrait s’astreindre chaque soir à noter des noms pour nous difficilement prononçables.
La deuxième : tous ceux qui envisagent, qui rêvent ou organisent un voyage au Japon sauront fort bien trouver guide, forum dédié et blog spécifique à ce pays.
Notre grand plaisir et de partager ce qui nous enchante, de ne jamais porter un jugement hâtif ou définitif sur les pays que nous traversons tellement conscients que nous n’en percevons qu’un fragment. Nous croisons une infinité d’hommes, de femmes, d’enfants pour qui nous sommes des gaijins (des étrangers) et qui chaque jour nous apportent aide, sourires et gentillesse.
Un voyage au long cours est émaillé de moments intenses, de temps qui s’étire, nous n’avons rien à chronométrer, à programmer avec une date fixe, c’est une chance.
Nous sommes ravis et heureux de vos commentaires, de vos courriels, des appels Messenger et WhatsApp. Joyeux de vous lire, aligato.
On vous serre tous dans nos grand bras.
Que Nene et Hideyoshi vous assure le bonheur à tous.
Si « la Russie est un rébus, un mystère au sein d’une énigme » (W. Churchill), et c’est exactement cette impression, ici et maintenant au Japon, c’est un proverbe japonais qui retient l’attention : « On commence à vieillir quand on finit d’apprendre ». Alors, vraiment, on peut l’un et l’autre le dire , nous sommes devenus extrêmement jeunes le temps de traverser la mer du Japon quittant Vladivostok pour arriver à Sakaïminato, au sud de l’archipel.
Après avoir parcouru 15 697 km nous voilà au pays du Soleil Levant.
Tout ne se fait pas en un clin d’œil, on peut vous l’assurer.
Allez, un petit tour en arrière !
Nous sommes dans le ferry et on croise les doigts que la moto soit bien avec nous.
En découvrant notre cabine, oups, des tatamis, pas plus épais que les tapis de gym quand mes enfants allaient au gymnase; il y en a quatre, c’est minuscule, mais il y a WC, lavabo et douche. Divine surprise, nous ne serons que tous les deux. Savourons, parce que nous le savons, au retour, c’est cabine à 72 et tatamis multiples, mais nous n’en sommes pas là…
Le bateau a fait le plein de coréens, comme des volées de moineaux qui piaillent et quelques visages de type européen. Agréable rencontre avec un jeune couple et leur petit garçon : elle, japonaise, lui, français. C’est la première fois qu’il vient au Japon. Ils partent s’installer à Sapporo.
Et puis Anita et Isa, deux filles absolument incroyables, elles font une course à moto reliant tous les continents, la Grizzly Race. Elles sont quatre femmes, une autrichienne, une suissesse, une américaine et une russe. Sur le ferry, elles ne sont que deux et vont débarquer en Corée pour poursuivre jusqu’à Anchorage, puis arriver à Bilbao. Parties le 6 mai de Zurich, passant par Paris, Londres et Moscou, elles ont couru sur la Transsibérienne et nous sommes le 21 mai !!!! Elles roulent entre 1 200 et 1 400 km par jour, dorment trois heures et repartent. Alors, là, les filles, bravo ! Nous, nous étions morts au bout de 300 km sur les routes chaotiques … Elles ne visitent rien, se reposent si peu. C’est une course autour des continents. Pétillantes, la jeune quarantaine, quelle pèche !
A Dongae, elles nous quittent, nous ne descendons pas à l’escale et nous ne sommes plus que cinq passagers sur le bateau. Merveilleuse sensation. Tout un immense ferry à disposition. Le temps passe vite et par une porte laissée ouverte, nous apercevons la moto, toute seule et bien arrimée sur le pont supérieur réservé aux véhicules.
Avec la musique du bateau …
D’autres gens embarquent de nouveau, cette fois beaucoup plus de japonais, plus silencieux et élégants que les brouillons coréens qui me font tellement penser aux enfants qui crient et se chamaillent dans nos cours d’école.
Débarquement à Sakaiminato et formalités douanières : pour nous, en passager, 5 minutes,
pour la moto, 3 heures avec 2 km à pied pour aller chercher un tampon sur le document d’importation temporaire ! Nous prenons directement la mesure de l’organisation nippone, précise et rigoureuse. Jean-Luc a eu du nez de réserver un hôtel dans la marina, parce qu’après 35 heures de ferry, 3 heures d’administratif, 34 degrés, on est vraiment vannés. Sans l’ombre d’une hésitation, il roule bien à gauche (comme s’il retrouvait sa chère Ecosse) et me voilà rassurée.
En candides absolus, de l’histoire, des traditions, de la spiritualité, des codes, de la gastronomie, mais convaincus que c’est essentiel, nous allons jouer à découvrir et à être attentifs. On comprend bien que nous n’aurons qu’un fragment, qu’une petite idée de ce pays qui nous fascine déjà. Nous faisons le choix de rester dans le Kansai, et nous rayonnerons en fixant notre camp de base à Kyoto.
De Sakaiminato à Kyoto, en route…
Comme un abécédaire en désordre :
J comme Japon.
L’empereur est Akihito depuis 1989 et le sceau impérial ressemble aux rosaces que je faisais avec le compas quand j’étais enfant : une belle rosace jaune vif. On dit que Akihito est le dernier successeur d’une tradition qui remonte à 660 avant JC (merci Wikipédia). Le régime est une monarchie constitutionnelle. Le pays est un archipel surpeuplé : quand on arrive de Russie avec une superficie de 17,1 millions de km2 et 144 millions d’habitants, et qu’on imagine qu’ici, le pays a 378 000 km2 et 127 millions d’habitants, on imagine sans peine à quel point il y a foule. D’autant qu’il y a 74 % de montagne et que les japonais vivent en majorité sur les côtes et dans les mégapoles comme Tokyo où ils sont 37 millions.
On va s’arrêter là pour la leçon de géographie.
R comme riz.
L’essentiel de la culture, du riz, du riz et encore du riz ! Si plaisant au regard, petites pousses vertes noyées par l’irrigation d’une nature parfaitement domestiquée. On voit souvent des petits lopins de rizière qui entourent la maison, comme chez nous, les potagers avec les pommes de terre.
Rizières emplies d’eau, pousses drues vert vif, les paysans ne cultivent pas comme en Inde. Pas de saris et de dos courbés pour repiquer le riz. C’est un homme sur un tracteur spécial qui fait le travail. Sur les deux côtés du tracteur, il y a des paquets rectangulaires, bien nets, de pousses à repiquer. Quelques femmes et hommes binent et retournent la terre boueuse.
V comme voiture.
La majorité des voitures japonaises ressemble à des Duplo 1er âge ou à des Chihuahua et çà me ferait presque envie ! Je les trouve marrantes.
Quand on voit la dimension des garages dans les ruelles, on comprend l’adaptation. Puisque nous en sommes aux voitures, parlons un peu de la circulation. Sur la départementale (par analogie à chez nous), on roule au maximum à 60 km/h, mais comme ça tourne, c’est plein de panneaux 50 avec rappels constants peints sur le route. De surcroit, on dirait que les priorités n’existent pas, ce qui fait qu’il y a un feu tricolore tous les 5 km. Jean-Luc a envie de revendre la 5ème et la 6ème vitesse de la moto. Moi, j’aime bien, j’ai le temps de photographier à la volée.
V 2èmecomme vélo.
« Le vélo, c’est bon pour la Santé ». Ben nous, les docteurs y z’ont dit que les vieux faut les faire marcher, alors, on marche. Mais ici, ça pédale et plus qu’à Amsterdam ! Et ça pédale bien équipé, le parapluie ou l’ombrelle glissé sur le côté.
Les jeunes, les vieux, les enfants pédalent, qui avec le masque sur le nez, qui avec un bob à larges bords, qui avec une grande visière comme une paire de lunettes et rabattue jusqu’au menton.
Tout est fait pour pédaler, pistes cyclables, parking à vélo hors du temps (!). Dans les ruelles et les venelles, les bicyclettes sont sagement entreposées au milieu des pots de fleurs.
Tout est petit, étroit, minuscule et tout ce petit côtoie les hauts immeubles de verre, des contrastes sans cesse. Avant-hier dimanche, quand levait les yeux, c’était jour de lessive pour les futons, kimono et T-shirt qui sèchaient dans l’air chaud sur les étroits balcons.
S comme spiritualité.
Pagodes, monastères bouddhistes, temples et sanctuaires shintô se cueillent sur la route et dans les villes.
Tous les dieux d’Asie sont là, ensemble et il convient de les honorer. Les divinités shintô, par bien des aspects font penser à l’hindouisme. Le bouddhisme lui, vise à réaliser l’impermanence des choses contre la vanité de l’ego. Il paraît qu’au Japon (j’ai lu) il y a 13 écoles de bouddhisme, j’ai retenu le Jodo, école de la terre pure et le Sôtô, école zen qui s’appuie sur la méditation. Je ne peux pas en dire plus, il faudrait des décennies d’apprentissage.
Le shintoïsme, c’est la religion primitive du Japon, pleine de kami (divinités), chiens et renards en font partie. Pour l’anecdote, l’empereur a renoncé (sous la pression des USA) en 1946 à sa nature de divinité incarnée, conservant toutefois son ascendance divine.
Une petite parenthèse dans mes explications historiques (!!). Dans notre premier sanctuaire shintô, il y avait foule et nous avons croisé des couples tenant en laisse des chiens minuscules vêtus de petites robes et arborant des fleurs de tissu en boucle d’oreilles. Mon premier réflexe est de me moquer et rire sous cape. J’ai demandé à une dame qui tenait son caniche élégant dans les bras si elle m’autorisait à photographier son animal. Avec un immense sourire de fierté, elle a accepté, puis pudiquement baissé la tête, ne laissant que son bob bleu visible. Première place au chien.
Il faut toujours du recul pour comprendre les choses et les gens. Ce n’est que plusieurs jours plus tard que j’ai compris. J’ai compris que le chien et le renard sont vénérés. Et, à l’instar des kami (les divinités), on met de gracieux vêtements à son chien qui, bien plus qu’un animal de compagnie, est un dieu. Je ne rirais plus sous cape, tout est respectable.
Fin de la parenthèse
Dans la province de Tottori, nous avons découvert sur la route, dans la montagne, au mont Daisen (l’un des 100 monts célèbres du Japon) notre premier temple shintô. Un éblouissement ! Des centaines de marches qui montaient jusqu’au sanctuaire dans une sensation de jungle tropicale. Au parking, nous avions laissé la moto habillée de nos casques, blousons (avec clés dans les poches) et autres boudins et sacoches : le jeune gardien nous avait rappelé que nous étions au Japon et que ça ne risquait rien, ce que nous avons vérifié.
Quand on passe le torii, portail en bois laqué rouge et parfois en pierre, que l’on monte vers dans le sanctuaire, on croise une infinité de kami avec leur bavette rouge. Dieux malicieux ou malfaisants, il est bon de les avoir dans la poche pour avoir la vie sereine. Des plaquettes votives sont proposées aux pélerins qui inscrivent à l’encre noire leurs vœux.
Au niveau du temple, le gong résonne tiré par un croyant. Le temple enceint dans sa luxuriante végétation est superbe et nous restons un moment dans ce temps suspendu, entourés des dieux de la nature, de l’air, de la Terre des hommes.
Reprenant la route sinueuse où la montagne est contenue par des ferrures et du béton, comme les larges rivières aussi (tout est fait pour lutter contre les tremblements de terre), nous croiserons des “templiaux”, des autels shinto, des cimetières.
Si le shintoïsme surprend parce que nous n’en savions rien ou si peu, je me sens depuis toujours plus proche du bouddhisme. L’atmosphère si particulière, si silencieuse et recueillie résonne mieux dans mon âme, p’têtre. Il faut, comme en Inde, enlever les chaussures, les mettre dans un sac en plastique, on s’assoit sur le fin tatami de bambou devant l’autel.
On se sent calme et il y a une telle paix que c’est propice à la prière. Qu’importe le Dieu, j’ai eu envie de lui parler de mes amours, mes enfants, mes parents, mes petits-enfants, ceux de Jean-Luc, mes frères, de la vie, de ma vie dans sa totalité …
Et quand, ensuite, nous nous promenons dans un jardin, où tout est harmonie. Que dire de plus.
… à suivre …
Et n’oublions pas le n’importe quoi ! Konbanwa à tous! (*)
(*) : Bonsoir
En continuant à utiliser le site, vous acceptez l’utilisation des cookies. Plus d’informations
Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.