P’tit clin d’œil pour ce vieux James Bond des années 60
De Petrograd, Leningrad, Saint Pétersbourg, le mardi 10 avril 2018
« Qui veut aller loin ménage sa monture »
Nous avons bien appliqué l’adage et la monture aussi puisqu’au 6ème jour, voulant reprendre la route, bien ragaillardis et le genou de Jean-Luc fonctionnel, c’est la moto qui refuse de démarrer. Batterie à plat. Jean-Luc sort les câbles-pinces.
Qu’à cela ne tienne, juste là, garé au bord du trottoir, un jeune homme téléphone. Dès qu’il a terminé sa conversation, je lui demande s’il peut nous aider. (C’est fou comme mon anglais basique est compris, je n’en reviens pas)
« Mais oui, j’avance ma voiture »
« Merci vraiment »
« C’est un plaisir d’aider des touristes français »
Jean-Luc pose les pinces et hop, c’est bon.
Nous quittons Tallinn et prenons la direction de Narva, frontière entre Estonie et Russie.
Narva, petite bourgade silencieuse et paisible.
Quelques rues vides, et des immeubles bien soviétiques comme un campement militaire et notre petit hôtel d’un soir, tout jaune dans la grisaille.
Nous déchargeons, enfilons nos vêtements « civils » et comme à notre habitude, nous faisons un tour pour nous dérouiller et sentir l’atmosphère. De l’autre côté de la rivière, c’est la Russie. On voit des piétons qui marchent sur une route grillagée, d’un côté et de l’autre de la frontière. Des russes qui font leurs courses de samedi en Estonie et rentrent sacs en plastique chargés dans chaque main.
Au milieu de tous ces immeubles identiques, tout d’un coup, anachronique, apparait une petite maison, une vieille église, une maison de la culture.
Et le soleil se couche…
Quelques provisions pour manger ce soir, vite achetées au « Rimi » (supermarché estonien) du coin et nous nous installons pour remplir l’administratif.
D’abord et obligatoirement s’inscrire en ligne sur le site de l’administration estonienne. On obtient un numéro valide pour aller dans un vaste parking d’attente de douane (il était vide). A l’heure indiquée, nous devons retraverser la ville (c’est tout petit) et nous mettre en position devant la barrière. Pour notre numéro, c’était 11h et si nous n’y étions pas, l’heure suivante possible était 21h !
Le portail métallique télécommandé s’ouvre, on passe la frontière Estonienne en cinq minutes.
Nous prenons cette route entre les grilles et arrivons côté russe.
Et là ! Passeport : ok. Visa : ok
Deuxième étape : la moto et le document rempli en anglais que nous avions imprimé avant de partir de France.
La douanière parle, parle et on ne comprend rien. Tatillonne, elle montre à Jean-Luc une case puis montre la carte grise et dit : niet, niet.
Euréka Jean-Luc comprend. Il a indiqué la cylindrée : 1200 et ben, niet, c’est 1199 en position P.1 sur la carte grise et il faut recommencer la totalité du document. Souffler, garder le sourire et rester calme. C’est bon !
Une autre jolie douanière, ravissante avec sa chapka bleue marine vient vérifier les bagages. Je sors mon sésame, la liste du contenant de chaque bagage, traduite en anglais, en russe, en japonais. Merci Google.
Elle rit et nous fait à peine entrouvrir la sacoche de réservoir.
Elle nous dit que nous pouvons entrer en Russie !
Spassiba !
On a tellement lu d’épopées sur cette frontière, des gens qui ont mis trois jours pour passer, d’autres huit heures, d’autres refoulés et redirigés sur une autre frontière cent km au sud, que nous sommes ravis.
En 2 h tout est fait, on range soigneusement notre minuscule papier de migration obligatoire pour ressortir et « à nous la Russie !». Il est 13 h et nous allons directement à St Pétersbourg qui n’est qu’à 160 km.
Saint Pétersbourg
Quand on arrive par le ciel, au milieu des petits nuages blancs, qu’on prend le taxi ou un bus depuis l’aéroport et le centre-ville, tout doit paraître joli, gai, soigné et raffiné.
La route entre Narva et St Pétersbourg est parfaitement rectiligne et sèche avec de temps à autre des nids de poule. Même si nous voulons nous arrêter, c’est impossible ou alors possible pour des 4×4 ou des camions ou même des voitures équipées neige. Les accotements ne sont que boue ou neige, alors, on roule…
Pauvre, pauvre campagne désolée. Des isbas de bois humide et noir encloses dans des jardinets détrempés, grands comme des mouchoirs de poche. Et la plaine immense couverte de neige et d’étangs gelés. Parfois, au milieu de cette solitude glacée, jaillit une église d’un bleu si vif qu’on ressent une pointe de soulagement. Exactement comme je l’imaginais.
Saint-Petersburg: 39 km. Super on arrive bientôt, c’est rien 39 km…
Ce sont les faubourgs et ce sont 39 km de tours, de barres d’immeubles, partout aussi loin que porte le regard. Tours-barres, barres, tours. La route est bordée d’arbres dénudés, c’est dimanche et peut-être que les gens sont restés blottis au chaud. Comment savoir, tout est vide de circulation.
Barres-tours-autopont-barres-tours et brusquement, le revêtement devient bon, les barres d’immeubles disparaissent, la route devient avenue avec des lampadaires élégants, la circulation s’amplifie et on a l’impression d’entrer en trombe dans la ville, pour de bon.
Nous sommes bien à la vitesse autorisée (50km) mais les autres sont des fous, qui foncent, slaloment et filent avant de freiner net au feu rouge.
Et le miracle s’accomplit. On trouve notre hôtel avec parking. Bien situé, tout près de l’Ermitage, de la perspective Nevsky.
Jean-Luc, t’es vraiment un champion !
Place aux photos de cette ville raffinée, majestueuse et si belle que j’en ai rarement vu de telle dans ma vie. Palais, cathédrales, églises, musées, avenues, fleuve, canaux, tout est beau.
Le palais de l’Ermitage
La Basilique Saint Sauveur
L’immeuble Singer devenu Grande Librairie
Les canaux, certains encore gelés
Le Palais Yusupof ( là ou s’est fait dézinguer Raspoutine en décembre 1916)
La Cathédrale Saint Nicolas
(Dostoïevski a habité juste à côté et a situé Crime et Châtiment dans ce quartier)
La Cathédrale de Kazan
Et la Cathédrale Saint Isaac
Avec comme beaucoup de bâtiments en rénovation, un Spoutnik au sommet!
Les arcades de la rue de Rivoli !
Le Théâtre Mariinsky
Pour les mélomanes
Depuis plus de deux jours nous sommes des randonneurs urbains. Il fait un temps magnifique et que dire de plus…
Ce que nous avons aimé :
– Toute la ville…
– Regarder dériver les plaques de glace sur les canaux, au soleil et observer la facilité qu’avaient les mouettes pour éviter les gros glaçons.
– La Neva si bleue
– Les gens, hommes et femmes confondus, tous si élégants, pommettes hautes, regard clair ou sombre, bien vêtus, si branchés que, tous les deux, villageois de Savenay, sommes vraiment des touristes-ploucs, c’est drôle.
– Ne strictement rien comprendre, ni ce qui est dit, ni ce qui est écrit.
– Découvrir des mets inconnus au nom imprononçable.
– Pour Jean-Luc boire une bière Baltika n°7, parait que la meilleure est la 3.
– Prendre des photos de n’importe quoi.
Pneus à clous !
– L’impression furtive d’une ressemblance avec Buenos Aires (la chaleur en moins), due sans doute à l’époque de construction de certains palais.
– Dire fièrement : spassiba et zdrassvouitié et dassvidania et dobre et paca et même que paca, ça fait beaucoup rire. On va tenter de s’améliorer !
Ce que nous n’avons pas aimé :
– Trouver une sacoche latérale vidée et tout bien déposé sur la selle, dans le parking privé (vol des fameuses clés que nous avions peiné à trouver en Lituanie pour la béquille de la moto)
– Prendre l’ascenseur (pour Dominique) avec trois immenses gaillards qui, au petit matin, empestaient la sueur et l’alcool. Quel haut le cœur !
– La vitesse ahurissante de certaines voitures sur les avenues
PS : Merci Marie pour la traduction de la boîte de paracétamol et du nom sous la statue via WhatsApp : Mikhaïl Ivanovic Glinka (compositeur russe, fondateur de l’école musicale russe moderne, mort en 1857).