Interlude autour de l’Anneau d’Or

Dimanche 24 juin 2018

Pendant que la moto voyage en train, nous nous promenons de petites villes en petites villes en un grand cercle autour de Moscou que l’on appelle l’Anneau d’Or.
Et, pour se promener, quoi de mieux que le train?
 

 
Pas le grand et long transsibérien, simplement des trains qui avancent lentement, s’arrêtent à toutes les gares. Parfois, juste un petit abri, ou un autre un peu plus grand.
 

Les gens montent, descendent, bavardent, regardent leur téléphone. Une vieille femme squelettique, la tête rasée, chargée d’un sac à dos crasseux monte avec son chien. Elle se gratte, se déshabille et, torse nu, époussette son vêtement. Le jeune chien s’affale dans la travée. Le wagon est plein et nul ne s’assoit à côté d’elle. Des jeunes filles en petit short et mini débardeur gloussent comme toutes les ados du monde. On ne comprend rien mais on écoute, on observe, on sourit.
Le train, comme les nôtres qu’on a connu, siffle et chuinte. La forêt défile et engloutit tout le paysage. Les bouleaux que j’aime tant aspirent toute la lumière et se gorgent de soleil. Je crois qu’ils en font provision pour le rude hiver qui suivra.

On devine parfois les isbas derrière les feuillages, parfois les datchas et leurs potagers à l’orée des villes.
Et quand on prend le train, c’est comme un jeu de piste. Trouver la bonne Kacca, celle des trains et pas celle des bus. Trouver le bon train, le bon quai et la bonne heure. Et, l’on s’aperçoit qu’on lit de mieux en mieux. Les interdictions? Elles sont simples à comprendre avec les pictogrammes.
 


Et quand on arrive, il faut rejoindre notre hébergement. Bus, taxi ou pied. On se fait rouler dans la farine, une seule fois, ma foi tant pis. 600 roubles au lieu de 100. Nous sommes bon joueur et la somme n’est pas si grosse. La roublardise, ça vient peut-être de là?
Nous avons savouré le temps et de Rostov à Iaroslavl en passant par Alexandrov, nous avons traîné, ivres de coupoles, de bulbes, d’églises, de Kremlins, en une sorte de vertige de beauté, jamais rassasiés, jamais repus, nos regards sans cesse sollicités.
Nous avons fait le choix de passer deux nuits dans un monastère à Rostov.
La nuit dans un silence absolu, une bulle de paix .

Nous avons regretté de ne pas nous faire comprendre et google trad n’est pas parvenu à nous aider. Le soir, croyant vraiment que le « dîner » était prévu, nous allons vers la maison des repas. Elle était close et un jeune devisant avec un pope nous dit de le suivre et nous laisse à l’étage dans une pièce où était dressée une table pour 6 avec en bout, de toute évidence, la place pour un célébrant ( ? !!!).

Les plats simplissimes étaient prêts, les pommes de terre chaudes et il n’y avait personne. Que faire hein ? On n’allait pas s’installer et manger et, vraiment, ça n’avait pas l’air d’être pour nous. Nous avons attendu et nous sommes partis. Diantre ! J’ai appelé le numéro qui était laissé à l’accueil et mon interlocuteur me répond bien fermement : « Dinner ? Niet » et il a raccroché. Il nous restait pour deux, une banane, un concombre et un morceau de fromage à qui nous avons évité de transpirer plus longtemps dans son plastique. Drôle!

Ainsi, les 10 jours ont filé et la boucle est bouclée.

C’est lui Yaroslavl.

Nous sommes de retour à Sergiyev Posad.
En nous baladant à l’ombre des jardins, écrasés par une folle chaleur, nous nous arrêtons devant le monument du soldat inconnu où brûle une flamme éternelle.


Une cérémonie va commencer. C’est bien de n’être pas pressé. Des soldats de l’armée de terre, de la marine attendent des œillets rouges à la main. Des enfants des écoles aussi, des jeunes filles et jeunes garçons des jeunesses communistes attendent aussi. Il y a la foule, femmes jeunes ou âgées, hommes vieux ou jeunes tous avec trois œillets rouge. Et puis encore le pope de Serguiev, (c’est le chef de l’Eglise orthodoxe de Russie et il vit ici) accompagné de prêtres. Les politiques étaient là aussi, comme le maire de la ville dans son costume bleu qui lui serrait le bide.

 


Les chœurs de l’armée rouge enflent, sortant des enceintes, la télévision et les photographes sont là. Et commence la cérémonie. Une bénédiction du pope, la chorale des prêtres, un discours du maire et après l’hymne national et le dépôt des grandes couronnes de chaque corps constitué, chacun défile et pose les œillets sur la dalle de marbre où l’air vacille autour de la flamme.

Le politique, la religion, l’armée, l’éducation, tout ce qui tient et compose un peuple en condensé pendant cette heure. Nous avons appris par la suite que ce jour du 22 juin est un jour fêté et non férié: c’est le Jour de la Mémoire et du Chagrin dédié au souvenir du début de la Seconde Guerre mondiale, appelée “Grande Guerre patriotique” en Union Soviétique puis en Russie.

La moto est de retour. Nous sommes allés à Moscou au petit matin, en train. Elle était bien là dans sa caisse si bien construite par Andrei et ses gars.
 
Repartis à Sergiyev sous 45 °, nous nous tapons au moins trente kilomètres de bouchons en sortie de Moscou, parce que faire passer de 8 voies à 2 pour refaire la chaussée, ça coince! Et nous retrouvons avec bonheur le calme de la petite ville.
Il nous reste 8 jours en Russie, contrainte du visa oblige, nous devrons quitter ce pays qui a si bien accroché nos cœurs.
On dit souvent la Grande Russie, la Russie Eternelle et, pour nous, c’est surtout une immense découverte, d’un peuple qui au premier abord semble froid et indifférent et, passé le premier moment, s’avère si chaleureux et accueillant et aussi d’un paysage hivernal d’une grande beauté et tellement empreint de mélancolie. Et , et, et, je m’arrête là, d’accord ?
Nous remontons en douceur demain vers la frontière russo-finlandaise et ce sera de nouvelles aventures.
Et pour les accros au n’importe quoi, voilà un florilège …

Canonisé ?
La théière est au chaud sous les jupons!

A tous qui, malgré la longueur de notre voyage, continuent de nous suivre, un grand merci de nous écrire, c’est la cerise sur le gâteau.
On vous embrasse, dasvidania et à bientôt.

Une réflexion sur “Interlude autour de l’Anneau d’Or

  1. Mamina 28 juin 2018 / 11 h 52 min

    “Ivres de bulbes et de coupoles… ” c’est superbe !
    Plein plein de pensées amicales

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