Le 30 mai 2018
Si « la Russie est un rébus, un mystère au sein d’une énigme » (W. Churchill), et c’est exactement cette impression, ici et maintenant au Japon, c’est un proverbe japonais qui retient l’attention : « On commence à vieillir quand on finit d’apprendre ». Alors, vraiment, on peut l’un et l’autre le dire , nous sommes devenus extrêmement jeunes le temps de traverser la mer du Japon quittant Vladivostok pour arriver à Sakaïminato, au sud de l’archipel.
Après avoir parcouru 15 697 km nous voilà au pays du Soleil Levant.
Tout ne se fait pas en un clin d’œil, on peut vous l’assurer.
Allez, un petit tour en arrière !
Nous sommes dans le ferry et on croise les doigts que la moto soit bien avec nous.
En découvrant notre cabine, oups, des tatamis, pas plus épais que les tapis de gym quand mes enfants allaient au gymnase; il y en a quatre, c’est minuscule, mais il y a WC, lavabo et douche. Divine surprise, nous ne serons que tous les deux. Savourons, parce que nous le savons, au retour, c’est cabine à 72 et tatamis multiples, mais nous n’en sommes pas là…
Le bateau a fait le plein de coréens, comme des volées de moineaux qui piaillent et quelques visages de type européen. Agréable rencontre avec un jeune couple et leur petit garçon : elle, japonaise, lui, français. C’est la première fois qu’il vient au Japon. Ils partent s’installer à Sapporo.
Et puis Anita et Isa, deux filles absolument incroyables, elles font une course à moto reliant tous les continents, la Grizzly Race. Elles sont quatre femmes, une autrichienne, une suissesse, une américaine et une russe. Sur le ferry, elles ne sont que deux et vont débarquer en Corée pour poursuivre jusqu’à Anchorage, puis arriver à Bilbao. Parties le 6 mai de Zurich, passant par Paris, Londres et Moscou, elles ont couru sur la Transsibérienne et nous sommes le 21 mai !!!! Elles roulent entre 1 200 et 1 400 km par jour, dorment trois heures et repartent. Alors, là, les filles, bravo ! Nous, nous étions morts au bout de 300 km sur les routes chaotiques … Elles ne visitent rien, se reposent si peu. C’est une course autour des continents. Pétillantes, la jeune quarantaine, quelle pèche !
A Dongae, elles nous quittent, nous ne descendons pas à l’escale et nous ne sommes plus que cinq passagers sur le bateau. Merveilleuse sensation. Tout un immense ferry à disposition. Le temps passe vite et par une porte laissée ouverte, nous apercevons la moto, toute seule et bien arrimée sur le pont supérieur réservé aux véhicules.
Avec la musique du bateau …
D’autres gens embarquent de nouveau, cette fois beaucoup plus de japonais, plus silencieux et élégants que les brouillons coréens qui me font tellement penser aux enfants qui crient et se chamaillent dans nos cours d’école.
Débarquement à Sakaiminato et formalités douanières : pour nous, en passager, 5 minutes,
pour la moto, 3 heures avec 2 km à pied pour aller chercher un tampon sur le document d’importation temporaire ! Nous prenons directement la mesure de l’organisation nippone, précise et rigoureuse. Jean-Luc a eu du nez de réserver un hôtel dans la marina, parce qu’après 35 heures de ferry, 3 heures d’administratif, 34 degrés, on est vraiment vannés. Sans l’ombre d’une hésitation, il roule bien à gauche (comme s’il retrouvait sa chère Ecosse) et me voilà rassurée.
En candides absolus, de l’histoire, des traditions, de la spiritualité, des codes, de la gastronomie, mais convaincus que c’est essentiel, nous allons jouer à découvrir et à être attentifs. On comprend bien que nous n’aurons qu’un fragment, qu’une petite idée de ce pays qui nous fascine déjà. Nous faisons le choix de rester dans le Kansai, et nous rayonnerons en fixant notre camp de base à Kyoto.
De Sakaiminato à Kyoto, en route…
Comme un abécédaire en désordre :
J comme Japon.
L’empereur est Akihito depuis 1989 et le sceau impérial ressemble aux rosaces que je faisais avec le compas quand j’étais enfant : une belle rosace jaune vif. On dit que Akihito est le dernier successeur d’une tradition qui remonte à 660 avant JC (merci Wikipédia). Le régime est une monarchie constitutionnelle. Le pays est un archipel surpeuplé : quand on arrive de Russie avec une superficie de 17,1 millions de km2 et 144 millions d’habitants, et qu’on imagine qu’ici, le pays a 378 000 km2 et 127 millions d’habitants, on imagine sans peine à quel point il y a foule. D’autant qu’il y a 74 % de montagne et que les japonais vivent en majorité sur les côtes et dans les mégapoles comme Tokyo où ils sont 37 millions.
On va s’arrêter là pour la leçon de géographie.
R comme riz.
L’essentiel de la culture, du riz, du riz et encore du riz ! Si plaisant au regard, petites pousses vertes noyées par l’irrigation d’une nature parfaitement domestiquée. On voit souvent des petits lopins de rizière qui entourent la maison, comme chez nous, les potagers avec les pommes de terre.
Rizières emplies d’eau, pousses drues vert vif, les paysans ne cultivent pas comme en Inde. Pas de saris et de dos courbés pour repiquer le riz. C’est un homme sur un tracteur spécial qui fait le travail. Sur les deux côtés du tracteur, il y a des paquets rectangulaires, bien nets, de pousses à repiquer. Quelques femmes et hommes binent et retournent la terre boueuse.
V comme voiture.
La majorité des voitures japonaises ressemble à des Duplo 1er âge ou à des Chihuahua et çà me ferait presque envie ! Je les trouve marrantes.
Quand on voit la dimension des garages dans les ruelles, on comprend l’adaptation. Puisque nous en sommes aux voitures, parlons un peu de la circulation. Sur la départementale (par analogie à chez nous), on roule au maximum à 60 km/h, mais comme ça tourne, c’est plein de panneaux 50 avec rappels constants peints sur le route. De surcroit, on dirait que les priorités n’existent pas, ce qui fait qu’il y a un feu tricolore tous les 5 km. Jean-Luc a envie de revendre la 5ème et la 6ème vitesse de la moto. Moi, j’aime bien, j’ai le temps de photographier à la volée.
V 2ème comme vélo.
« Le vélo, c’est bon pour la Santé ». Ben nous, les docteurs y z’ont dit que les vieux faut les faire marcher, alors, on marche. Mais ici, ça pédale et plus qu’à Amsterdam ! Et ça pédale bien équipé, le parapluie ou l’ombrelle glissé sur le côté.
Les jeunes, les vieux, les enfants pédalent, qui avec le masque sur le nez, qui avec un bob à larges bords, qui avec une grande visière comme une paire de lunettes et rabattue jusqu’au menton.
Tout est fait pour pédaler, pistes cyclables, parking à vélo hors du temps (!). Dans les ruelles et les venelles, les bicyclettes sont sagement entreposées au milieu des pots de fleurs.
Tout est petit, étroit, minuscule et tout ce petit côtoie les hauts immeubles de verre, des contrastes sans cesse. Avant-hier dimanche, quand levait les yeux, c’était jour de lessive pour les futons, kimono et T-shirt qui sèchaient dans l’air chaud sur les étroits balcons.
S comme spiritualité.
Pagodes, monastères bouddhistes, temples et sanctuaires shintô se cueillent sur la route et dans les villes.
Tous les dieux d’Asie sont là, ensemble et il convient de les honorer. Les divinités shintô, par bien des aspects font penser à l’hindouisme. Le bouddhisme lui, vise à réaliser l’impermanence des choses contre la vanité de l’ego. Il paraît qu’au Japon (j’ai lu) il y a 13 écoles de bouddhisme, j’ai retenu le Jodo, école de la terre pure et le Sôtô, école zen qui s’appuie sur la méditation. Je ne peux pas en dire plus, il faudrait des décennies d’apprentissage.
Le shintoïsme, c’est la religion primitive du Japon, pleine de kami (divinités), chiens et renards en font partie. Pour l’anecdote, l’empereur a renoncé (sous la pression des USA) en 1946 à sa nature de divinité incarnée, conservant toutefois son ascendance divine.
Une petite parenthèse dans mes explications historiques (!!). Dans notre premier sanctuaire shintô, il y avait foule et nous avons croisé des couples tenant en laisse des chiens minuscules vêtus de petites robes et arborant des fleurs de tissu en boucle d’oreilles. Mon premier réflexe est de me moquer et rire sous cape. J’ai demandé à une dame qui tenait son caniche élégant dans les bras si elle m’autorisait à photographier son animal. Avec un immense sourire de fierté, elle a accepté, puis pudiquement baissé la tête, ne laissant que son bob bleu visible. Première place au chien.
Il faut toujours du recul pour comprendre les choses et les gens. Ce n’est que plusieurs jours plus tard que j’ai compris. J’ai compris que le chien et le renard sont vénérés. Et, à l’instar des kami (les divinités), on met de gracieux vêtements à son chien qui, bien plus qu’un animal de compagnie, est un dieu. Je ne rirais plus sous cape, tout est respectable.
Fin de la parenthèse
Dans la province de Tottori, nous avons découvert sur la route, dans la montagne, au mont Daisen (l’un des 100 monts célèbres du Japon) notre premier temple shintô. Un éblouissement ! Des centaines de marches qui montaient jusqu’au sanctuaire dans une sensation de jungle tropicale. Au parking, nous avions laissé la moto habillée de nos casques, blousons (avec clés dans les poches) et autres boudins et sacoches : le jeune gardien nous avait rappelé que nous étions au Japon et que ça ne risquait rien, ce que nous avons vérifié.
Quand on passe le torii, portail en bois laqué rouge et parfois en pierre, que l’on monte vers dans le sanctuaire, on croise une infinité de kami avec leur bavette rouge. Dieux malicieux ou malfaisants, il est bon de les avoir dans la poche pour avoir la vie sereine. Des plaquettes votives sont proposées aux pélerins qui inscrivent à l’encre noire leurs vœux.
Au niveau du temple, le gong résonne tiré par un croyant. Le temple enceint dans sa luxuriante végétation est superbe et nous restons un moment dans ce temps suspendu, entourés des dieux de la nature, de l’air, de la Terre des hommes.
Reprenant la route sinueuse où la montagne est contenue par des ferrures et du béton, comme les larges rivières aussi (tout est fait pour lutter contre les tremblements de terre), nous croiserons des “templiaux”, des autels shinto, des cimetières.
Si le shintoïsme surprend parce que nous n’en savions rien ou si peu, je me sens depuis toujours plus proche du bouddhisme. L’atmosphère si particulière, si silencieuse et recueillie résonne mieux dans mon âme, p’têtre. Il faut, comme en Inde, enlever les chaussures, les mettre dans un sac en plastique, on s’assoit sur le fin tatami de bambou devant l’autel.
On se sent calme et il y a une telle paix que c’est propice à la prière. Qu’importe le Dieu, j’ai eu envie de lui parler de mes amours, mes enfants, mes parents, mes petits-enfants, ceux de Jean-Luc, mes frères, de la vie, de ma vie dans sa totalité …
Et quand, ensuite, nous nous promenons dans un jardin, où tout est harmonie. Que dire de plus.
… à suivre …
Et n’oublions pas le n’importe quoi !
Konbanwa à tous! (*)
(*) : Bonsoir
Toujours autant de bonheur pour nous grâce à votre partage!
Avec une mention spéciale pour le n’importe quoi!
Pleins de bises à vous deux depuis la Saone & Loire (très orageuse
ces temps là)
Christian.
chers voyageurs,
ce petit air du Japon nous donne chaud !!! merci pour le message de la fête des mères…
nous apprécions les photos dépaysantes … déchiffrer le Japonais a l’air dêtre un grand défi ! Merci de nous partager la sérénité que vous trouvez dans ce coin du monde.
Nous vous embrassons bien bien fort,
Mamoun, GPJ avec Sophie