Du Japon – Partie 1 : de Vladivostok à Sakaiminato via Dongae

Le 30 mai 2018

Si « la Russie est un rébus, un mystère au sein d’une énigme » (W. Churchill), et c’est exactement cette impression, ici et maintenant au Japon, c’est un proverbe japonais qui retient l’attention : « On commence à vieillir quand on finit d’apprendre ». Alors, vraiment, on peut l’un et l’autre le dire , nous sommes devenus extrêmement jeunes le temps de traverser la mer du Japon quittant Vladivostok pour arriver à Sakaïminato, au sud de l’archipel.
Après avoir parcouru  15 697 km nous voilà au pays du Soleil Levant.

Tout ne se fait pas en un clin d’œil, on peut vous l’assurer.

Allez, un petit tour en arrière !
 
Nous sommes dans le ferry et on croise les doigts que la moto soit bien avec nous.

En découvrant notre cabine, oups, des tatamis, pas plus épais que les tapis de gym quand mes enfants allaient au gymnase; il y en a quatre, c’est minuscule, mais il y a WC, lavabo et douche. Divine surprise, nous ne serons que tous les deux. Savourons, parce que nous le savons, au retour, c’est cabine à 72 et tatamis multiples, mais nous n’en sommes pas là…
 

 

Attention si t’es pas sage !

Le bateau a fait le plein de coréens, comme des volées de moineaux qui piaillent et quelques visages de type européen. Agréable rencontre avec un jeune couple et leur petit garçon : elle, japonaise, lui, français. C’est la première fois qu’il vient au Japon. Ils partent s’installer à Sapporo.
Et puis Anita et Isa, deux filles absolument incroyables, elles font une course à moto reliant tous les continents, la Grizzly Race. Elles sont quatre femmes, une autrichienne, une suissesse, une américaine et une russe. Sur le ferry, elles ne sont que deux et vont débarquer en Corée pour poursuivre jusqu’à Anchorage, puis arriver à Bilbao. Parties le 6 mai de Zurich, passant par Paris, Londres et Moscou, elles ont couru sur la Transsibérienne et nous sommes le 21 mai !!!! Elles roulent entre 1 200 et 1 400 km par jour, dorment trois heures et repartent. Alors, là, les filles, bravo ! Nous, nous étions morts au bout de 300 km sur les routes chaotiques … Elles ne visitent rien, se reposent si peu. C’est une course autour des continents. Pétillantes, la jeune quarantaine, quelle pèche !

A Dongae, elles nous quittent, nous ne descendons pas à l’escale et nous ne sommes plus que cinq passagers sur le bateau. Merveilleuse sensation. Tout un immense ferry à disposition. Le temps passe vite et par une porte laissée ouverte, nous apercevons la moto, toute seule et bien arrimée sur le pont supérieur réservé aux véhicules.

La Corée (du Sud)
Rêve d’Orient ?

Avec la musique du bateau …

D’autres gens embarquent de nouveau, cette fois beaucoup plus de japonais, plus silencieux et élégants que les brouillons coréens qui me font tellement penser aux enfants qui crient et se chamaillent dans nos cours d’école.

Débarquement à Sakaiminato et formalités douanières : pour nous, en passager, 5 minutes,

pour la moto, 3 heures avec 2 km à pied pour aller chercher un tampon sur le document d’importation temporaire ! Nous prenons directement la mesure de l’organisation nippone, précise et rigoureuse. Jean-Luc a eu du nez de réserver un hôtel dans la marina, parce qu’après 35 heures de ferry, 3 heures d’administratif, 34 degrés, on est vraiment vannés. Sans l’ombre d’une hésitation, il roule bien à gauche (comme s’il retrouvait sa chère Ecosse) et me voilà rassurée.

En candides absolus, de l’histoire, des traditions, de la spiritualité, des codes, de la gastronomie, mais convaincus que c’est essentiel, nous allons jouer à découvrir et à être attentifs. On comprend bien que nous n’aurons qu’un fragment, qu’une petite idée de ce pays qui nous fascine déjà. Nous faisons le choix de rester dans le Kansai, et nous rayonnerons en fixant notre camp de base à Kyoto.

De Sakaiminato à Kyoto, en route…
 

 

 

 

Comme un abécédaire en désordre :

J comme Japon.
L’empereur est Akihito depuis 1989 et le sceau impérial ressemble aux rosaces que je faisais avec le compas quand j’étais enfant : une belle rosace jaune vif. On dit que Akihito est le dernier successeur d’une tradition qui remonte à 660 avant JC (merci Wikipédia). Le régime est une monarchie constitutionnelle. Le pays est un archipel surpeuplé : quand on arrive de Russie avec une superficie de 17,1 millions de km2 et 144 millions d’habitants, et qu’on imagine qu’ici, le pays a 378 000 km2 et 127 millions d’habitants, on imagine sans peine à quel point il y a foule. D’autant qu’il y a 74 % de montagne et que les japonais vivent en majorité sur les côtes et dans les mégapoles comme Tokyo où ils sont 37 millions.

On va s’arrêter là pour la leçon de géographie.

R comme riz.
L’essentiel de la culture, du riz, du riz et encore du riz ! Si plaisant au regard, petites pousses vertes noyées par l’irrigation d’une nature parfaitement domestiquée. On voit souvent des petits lopins de rizière qui entourent la maison, comme chez nous, les potagers avec les pommes de terre.
 

 

Rizières emplies d’eau, pousses drues vert vif, les paysans ne cultivent pas comme en Inde. Pas de saris et de dos courbés pour repiquer le riz. C’est un homme sur un tracteur spécial qui fait le travail. Sur les deux côtés du tracteur, il y a des paquets rectangulaires, bien nets, de pousses à repiquer. Quelques femmes et hommes binent et retournent la terre boueuse.
 

 

 

V comme voiture.
La majorité des voitures japonaises ressemble à des Duplo 1er âge ou à des Chihuahua et çà me ferait presque envie ! Je les trouve marrantes.
 

 

 
Quand on voit la dimension des garages dans les ruelles, on comprend l’adaptation. Puisque nous en sommes aux voitures, parlons un peu de la circulation. Sur la départementale (par analogie à chez nous), on roule au maximum à 60 km/h, mais comme ça tourne, c’est plein de panneaux 50 avec rappels constants peints sur le route. De surcroit, on dirait que les priorités n’existent pas, ce qui fait qu’il y a un feu tricolore tous les 5 km. Jean-Luc a envie de revendre la 5ème et la 6ème vitesse de la moto. Moi, j’aime bien, j’ai le temps de photographier à la volée.

 

 

V 2ème comme vélo.
« Le vélo, c’est bon pour la Santé ». Ben nous, les docteurs y z’ont dit que les vieux faut les faire marcher, alors, on marche. Mais ici, ça pédale et plus qu’à Amsterdam ! Et ça pédale bien équipé, le parapluie ou l’ombrelle glissé sur le côté.
 

 

 


Les jeunes, les vieux, les enfants pédalent, qui avec le masque sur le nez, qui avec un bob à larges bords, qui avec une grande visière comme une paire de lunettes et rabattue jusqu’au menton.

Faudra qu’on m’explique le rapport au temps.

Tout est fait pour pédaler, pistes cyclables, parking à vélo hors du temps (!). Dans les ruelles et les venelles, les bicyclettes sont sagement entreposées au milieu des pots de fleurs.
Tout est petit, étroit, minuscule et tout ce petit côtoie les hauts immeubles de verre, des contrastes sans cesse. Avant-hier dimanche, quand levait les yeux, c’était jour de lessive pour les futons, kimono et T-shirt qui sèchaient dans l’air chaud sur les étroits  balcons.

S comme spiritualité.
Pagodes, monastères bouddhistes, temples et sanctuaires shintô se cueillent sur la route et dans les villes.
 

 

Qu’il reste bien dans sa cage!

 

 

 

Comme un air de chamanisme

 


Tous les dieux d’Asie sont là, ensemble et il convient de les honorer.  Les divinités shintô, par bien des aspects font penser à l’hindouisme. Le bouddhisme lui, vise à réaliser l’impermanence des choses contre la vanité de l’ego. Il paraît qu’au Japon (j’ai lu) il y a 13 écoles de bouddhisme, j’ai retenu le Jodo, école de la terre pure et le Sôtô, école zen qui s’appuie sur la méditation. Je ne peux pas en dire plus, il faudrait des décennies d’apprentissage.
Le shintoïsme, c’est la religion primitive du Japon, pleine de kami (divinités), chiens et renards en font partie. Pour l’anecdote, l’empereur a renoncé (sous la pression des USA) en 1946 à sa nature de divinité incarnée, conservant toutefois son ascendance divine.

Une petite parenthèse dans mes explications historiques (!!). Dans notre premier sanctuaire shintô, il y avait foule et nous avons croisé des couples tenant en laisse des chiens minuscules vêtus de petites robes et arborant des fleurs de tissu en boucle d’oreilles. Mon premier réflexe est de me moquer et rire sous cape. J’ai demandé à une dame qui tenait son caniche élégant dans les bras si elle m’autorisait à photographier son animal. Avec un immense sourire de fierté, elle a accepté, puis pudiquement baissé la tête, ne laissant que son bob bleu visible. Première place au chien.

Ceux d’hier

 

Il faut toujours du recul pour comprendre les choses et les gens. Ce n’est que plusieurs jours plus tard que j’ai compris. J’ai compris que le chien et le renard sont vénérés. Et, à l’instar des kami (les divinités), on met de gracieux vêtements à son chien qui, bien plus qu’un animal de compagnie, est un dieu. Je ne rirais plus sous cape, tout est respectable.

Fin de la parenthèse

Dans la province de Tottori, nous avons découvert sur la route, dans la montagne, au mont Daisen (l’un des 100 monts célèbres du Japon) notre premier temple shintô. Un éblouissement ! Des centaines de marches qui montaient jusqu’au sanctuaire dans une sensation de jungle tropicale. Au parking, nous avions laissé la moto habillée de nos casques, blousons (avec clés dans les poches) et autres boudins et sacoches : le jeune gardien nous avait rappelé que nous étions au Japon et que ça ne risquait rien, ce que nous avons vérifié.

  

 

 

 

Quand on passe le torii, portail en bois laqué rouge et parfois en pierre, que l’on monte vers dans le sanctuaire, on croise une infinité de kami avec leur bavette rouge. Dieux malicieux ou malfaisants, il est bon de les avoir dans la poche pour avoir la vie sereine. Des plaquettes votives sont proposées aux pélerins qui inscrivent à l’encre noire leurs vœux.

Au niveau du temple, le gong résonne tiré par un croyant. Le temple enceint dans sa luxuriante végétation est superbe et nous restons un moment dans ce temps suspendu, entourés des dieux de la nature, de l’air, de la Terre des hommes.

Reprenant la route sinueuse où la montagne est contenue par des ferrures et du béton, comme les larges rivières aussi (tout est fait pour lutter contre les tremblements de terre), nous croiserons des “templiaux”, des autels shinto, des cimetières.
 

 

 

 

 

Si le shintoïsme surprend parce que nous n’en savions rien ou si peu, je me sens depuis toujours plus proche du bouddhisme. L’atmosphère si particulière, si silencieuse et recueillie résonne mieux dans mon âme, p’têtre. Il faut, comme en Inde, enlever les chaussures, les mettre dans un sac en plastique, on s’assoit sur le fin tatami de bambou devant l’autel.
 

On se sent calme et il y a une telle paix que c’est propice à la prière. Qu’importe le Dieu, j’ai eu envie de lui parler de mes amours, mes enfants, mes parents, mes petits-enfants, ceux de Jean-Luc, mes frères, de la vie, de ma vie dans sa totalité …

Et quand, ensuite, nous nous promenons dans un jardin, où tout est harmonie. Que dire de plus.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

… à suivre …

Et n’oublions pas le n’importe quoi !
Konbanwa à tous! (*)

(*) : Bonsoir

Attention il parait qu’on peut perdre son slip par hasard!
Petit déjeuner sur le ferry. Quoi est à qui?

 

 

T’appuies sur le bouton et les voitures s’arrêtent … au bout de 5 minutes!
Des camions tellement propres qu’on se voit dedans.

Hot Dog à la japonaise, la classe!

Les pompes sont au plafond!
Stationnement à sabot. Tu payes, tu peux sortir.
Dur dur sans les photos!
C’est où le 95 ?

De Vladivostok, 2ème partie

Dimanche 20 mai 2018

« La musique, c’est le silence entre les notes ».
Cette jolie phrase de Debussy résonne exactement comme le fait notre voyage.

Ces derniers mille kilomètres nous ont emporté le long du fleuve Amour, juste en face de la Chine. Traversant une Sibérie rurale de grandes fermes privées avec leurs salariés vivant en immeubles rectangulaires et décrépis, des fermettes modestes et ce que j’appelle l’agriville où devant tous les immeubles les gens cultivent des minuscules potagers.

La provodniskya nous annonce l’arrivée proche et, voilà, nous sommes dans une parenthèse enchantée depuis quelques jours à Vladivostok. Une ville portuaire qui surplombe la baie de la Corne d’Or, aux frontières de la Chine et de la Corée du Nord. Une grande ville pleine de lumière sur le Pacifique et si loin du pouvoir central de Moscou que les rumeurs de corruption vont bon train.

Pour nous, étrangers et touristes nous n’en verront rien, ni garde du corps, ni police bardée de gilet pare-balles et aucun sentiment d’insécurité comme dans toute la Russie d’ailleurs. Et au bout de cette ligne transsibérienne si longue, de cette équipée motarde si belle, les clichés des vilains russes violents, poivrots, mafieux s’effritent.  Alors, oui, ils doivent exister, nous ne sommes pas béats-idiots mais surtout nos médias s’accordent à dépeindre un monde de corruption et confondent allègrement gouvernants et peuple.

En arrivant à la gare au petit matin, un peu sonnés des heures paresseuses passées dans le train, nous ne savions pas que nous resterions une semaine dans cette ville de bout du monde.
 

 

Une gare avec un plafond si beau correspond forcément au charme de la ville, et c’est vrai.

Quand on ne prévoit rien, forcément on se laisse surprendre…
Pour exemple, suivez la vidéo suivante jusqu’au bout (avec le son)!

Nous voilà dans un hôtel qui sent le vieux poisson mais avec vue sur la baie. Faut porter le regard loin parce que juste devant c’est, comment dire, très très moche sauf la salle du petit déjeuner au décor improbable.
 

Mais qu’importe demain est un autre jour, on récupère la moto. Si, ils ont dit un jour après notre arrivée. Et on prend les tickets de ferry et on part au Japon.

Trop chouette!

Ne perdons pas de temps, et filons à la gare maritime.

Filez, c’est beaucoup dire, ça grimpe et ça descend les rues de Vladivostok, on est un peu poussifs !

DBS Cruise, Eastern Dream, le nom de la compagnie et celui du bateau.

Olga parle anglais, japonais et russe. Elle est très jolie, très compétente.
« Nous souhaiterions une cabine dite junior », c’est un peu cher mais on sera peinards.
« Voilà, vous êtes enregistré, pas de problème si votre moto n’est pas là demain, on reportera à mercredi prochain »
« Spassiba Olga »
« Maintenant, vous voir avec Svetlana pour la moto et la douane, voilà son numéro de tel »
Svetlana parle anglais, russe et japonais.
« Pas de problème si la moto n’est pas là, on reportera »
« Spassiba Svetlana »
« Il faut vous mettre en relation avec Tatiana qui est au Japon et vous dira les formalités pour l’arrivée, voici son mail »
« Da da, spassiba »

Et le lendemain…pas de moto et on ne sait même pas où elle est. On a un papier et une adresse et un téléphone et un interlocuteur qui ne parle que russe un point c’est tout.
Suspens… on prend un taxi qu’on avait fait appeler par l’hôtel. Le réceptionniste avait écrit : 10 (minutes) et n°133.
On attend, on attend, on attend. Nous sommes les champions de l’attente. Un monsieur à cheveux blancs dans sa voiture bleue nous demande : taxi ?
Mais c’est qui cuilà ? un faux taxi à tous les coups. Niet, niet. L’homme attend dans sa vieille voiture redit taxi ? On redit niet et il s’en va. Je retourne à la réception. « No taxi ». Le réceptionniste appelle, raccroche, écrit sur un papier 133, blue.
Et nous voyons revenir l’homme à la vieille voiture. Immatriculation 133, voiture bleue.
On rit, il rit (jaune je crois) et on roule, on traverse toute la ville, boudiou mais où va-t-on ?

On traverse des voies ferrées bien rouillées, on saute sur les trous de la chaussée et notre chauffeur arrive devant un entrepôt.

Il explique et on comprend fort bien même en russe qu’il nous a attendu, qu’il est revenu, bref que ça fait 300 roubles.  Jean-Luc lui donne 450 et lui demande de rester ½ heure, 4 euros ne va quand même pas nous mettre à plat. L’homme est ravi et veut rendre service. Il cherche quelqu’un pour nous aider devant cet entrepôt où il n’y a pas trace de moto visible. L’homme téléphone, parlemente et nous dit : « moto, demain, 10 h » Il viendra nous chercher à l’hôtel. 133, bleue la voiture. Il nous ramène, n’accepte pas d’argent pour cet interminable retour.

Et on redescend la colline à pied, déconfit, jusqu’à la gare maritime.
« Bonjour Olga, nous pas moto, demain moto »
« Demain trop tard, vous partir mercredi prochain et moi fait le changement des billets et vous voir avec Svetlana et avec Tatiana »
Tap-tap-tap-tap les jolis doigts d’Olga sur l’ordinateur
« Alors, plus de cabine et vous choisir, tatamis avec 72 passagers ou place dans couchettes avec rideaux pour huit personnes »
« Da, da, avec 8 personnes c’est mieux que 72 sur tatamis ! »

Allez, je vous épargne chers lecteurs, on a récupéré la moto en pleine forme. On a trouvé un studio tout propre dans The Street de Vladivostok et, miraculeusement on a un temps précieux pour découvrir la ville du terminus du transsibérien.
 

Séance de Google Trad.

 

 

Alors un p’tit topo de la ville ?

On dit qu’elle est comparée à San Francisco et je trouve que c’est un peu vrai, tout en colline et tout en verdure printanière. Il fait chaud, la baie de l’Amour s’étale devant elle, le pont pourrait être le Golden Gate Bridge en plus petit. Pas de tramways mais un funiculaire.
 

 

Visite du sous-marin

Le doux couinement de la passerelle !

Le Funiculaire près de la Fosse aux Ours, c’est ici, pas à Lyon!
 

La Montée

St Cyril et St Méthode
Regardez bien, il y a deux ponts
La Descente

La ville est restée longtemps fermée tant aux russes eux-mêmes qu’aux étrangers parce que c’était la base militaire de la flotte russe du Pacifique.
 

Jean-Luc a lu sur Courrier International (2009) que les chinois proposaient de louer aux russes une partie de la ville avec douane et tutti quanti. J’ignore si le projet a abouti mais ce qui est certain c’est que coréens et chinois semblent tellement nombreux qu’on dirait qu’il n’y a plus de russes. Ok, ce sont des touristes qui débarquent soit du transsibérien soit des ferries et qui piaillent de joies comme des gamins et qui se baladent au bout d’une perche à soi-même !
 

 

 

 

Les chinois si proches ont de gros atouts dans leur poche pour investir cette ultime partie orientale de la Sibérie : des investisseurs et des sous.

Cela dit, la sensation est bizarre de passer des steppes désolées et pauvres à cette ville où explosent les immeubles neufs, les rues parfaites et si clean, les boutiques luxueuses, des vieux bâtiments parfaitement rénovés, des théâtres, des restaurants et les voitures idem : Lexus, BMW, Mercedes et autres méga Pajero Mitsubishi. La libéralisation a bien fonctionné pour certains …
 

Recyclage !

 

 

Une ville qui bouge, qui vit, qui frétille et la baie si bleue en toile de fond, c’est surprenant.

Alors, on savoure, on se balade sur la promenade des russes, on fait nos courses et on se tape les côtes et les descentes, j’ai un nouveau pantalon et des nouvelles chaussures, les autres baillaient aux corneilles. On déambule dans la jolie rue piétonne Fokina Oulista qui plonge dans la baie.
 

 

 

 

 

 

Chose curieuse: si des ouvriers ont fait la Révolution il y a 100 ans, maintenant, d’autres construisent des cathédrales.
 

On est allé vérifier que la moto était bien derrière les barrières de la douane. On s’est dit que mardi, Jean-Luc serait appelé pour la faire démarrer (vous vous rappeler le problème de la clé qui coinçait ?)
 

Vous avez vu, elle est rutilante! Faut dire qu’un véhicule propre est une exigence niponne et nous avons dû nous y plier…

C’est pas de la neige, c’est du savon!

On a lancé des bravos aux coureurs du semi-marathon, rit avec nos voisins spectateurs. Fait le plein de sommeil, de soleil, de bonheurs avec un ‘s’.
 

 

Départ du 21 km !

Danseuses en herbe!

Tout le monde danse !

Ce que Jean-Luc a aimé

  • Lire que les sanctions européennes ont eu un effet inespéré pour les russes qui frisent l’autosuffisance. Ils exportent depuis 2015, 60 % de leur blé et les agriculteurs sont maintenant subventionnés. Au niveau commerce, on s’est encore une fois bien fait berner par les américains !
  • Sourire de la facilité avec laquelle les russes font la queue. Une file immense rien que pour avoir un maquillage de fête, ou pour avoir des prospectus et des babioles gratuites, c’est vrai on ne voit pas ça en France.
  • Manger des pirojkis, petits chaussons fourrés à la viande version russe des empenadas argentines et finalement propre aux pays où les cultures maraîchères sont insuffisantes à cause du climat.
  • Me photographier photographiant n’importe quoi.

N’oublions pas Lénine!

Ce que Dominique a aimé

  • Avoir enfin un pantalon propre et un autre neuf et à ma taille qui ne tombe pas tout seul parce que j’ai perdu des kilos.
  • Regarder les asiatiques prendre et se prendre en photo.
  • Admirer les affiches de théâtres et rêver de voir Anna Karénine à l’affiche en ce moment. En russe, c’est trop compromis…
  • Visiter le sous-marin C56 qui fut un fleuron de la flotte du Pacifique.

 

 

  • Photographier n’importe quoi.

 

 

 

 

 

 

 

Jean Luc, photographe pour chinois!

A tous, à bientôt en direct du Japon, ne soyez pas inquiet sans nouvelles, on ne sait pas quand, cela dépendra s’il y a du Wifi ou des prises électriques sur le bateau.

Merci d’être si nombreux à nous suivre.  Vive WhatsApp, vive Messenger, vive les courriels et bonjour l’amitié, bonjour la tendresse et merci à cette humanité qui nous entoure et à chaque voyage nous émerveille !

 

De Vladivostok

Le 14 mai 2018

Nous quittons le pays des Bouriates, le lac Baïkal, le monde des chamanes, ses mystères et ses secrets, pour rejoindre Irkoutsk.
 

 

 

 

 

 

 

 
Nous reprenons le même hôtel où une délicate attention nous attendait, l’image d’un motard et écrit « Bienvenue » en français.

Très vite nous renfilons nos vêtements « civils » pour rejoindre le grand Park de la ville où se déroulent les festivités du 9 mai, fête de la victoire avec un jour de décalage avec la France.
Tout le centre-ville est piéton et d’ailleurs, et c’est pour cette raison qu’il a fallu user du JLB GPS pour rejoindre l’hôtel à notre arrivée dans la ville. Nous avons manqué les défilés officiels, puis tous les défilés des familles portant la photo de leurs proches disparus à la guerre au bout d’une pancarte. Nous avons rencontré une dame et sa fille qui avaient perdu père et grand-père.

Elles expliquaient que chaque année, commémorer leurs disparus était faire vivre la mémoire de leur sacrifice. Quelle différence avec notre 8 mai qui n’est devenu qu’un banal jour férié !
La journée est festive et sur une grande scène entourée de gradins aux couleurs de la Russie, se succèdent, musiciens, chanteurs, danseurs dans une ferveur et une liesse bon-enfant.
 

 

 

 

 
Que ça fait du bien de vivre ça !

Dans le parc où les gens agitent une colombe blanche et arborent une cocarde du souvenir, achètent calots et drapeaux au milieu des glaces et autres friandises, nous nous asseyons sur un banc à côté d’un jeune couple et grâce à Google Trad, la discussion va bon train. Ils aiment leur pays, le trouvent trop pauvre, adorent la musique de la langue française et lui, nous avoue élever un ours. Blague ou réalité, nous ne saurons pas !
Ce n’est qu’au soir que nous rejoignons nos pénates, ravis tant des rencontres que de notre journée et nous endormons au son du feu d’artifice.
Chaque hameau, chaque village, aujourd’hui avait accroché à la palissade, qui un drapeau de la Russie, qui un drapeau Rouge.

Et le lendemain …

Nous avons quitté Irkoutsk en direction de Vladivostok, après avoir appris que la route s’avèrerait une terrible épreuve : 1 500 km de piste annoncés, 500 km de travaux sur les 3 800 km qui sont à parcourir, c’est trop énorme comme défi pour l’équipage que nous menons. Nous avons conscience de deux choses : la chance inestimable d’être arrivé jusque là et l’immense fatigue que nous ressentons certains soir, bien peu propice pour supporter de rouler sur une piste des jours entiers.

Le voyage est une métaphore de la vie. Il y a le froid, la fatigue, la crainte du logis du soir, la crainte de l’accident, de la chaussée impitoyable, mais à la fin, il ne nous restera à l’esprit que les isbas noircies, les bouleaux qui en quelque jours éclatent du vert tendre de leur frêle feuillage, la glace bleue du Baïkal, la soupe chaude réconfortante, les pouces levés des gens que nous croisons ou qui nous dépassent, les rencontres éphémères, et nos rires, ensemble quand nous arrivons à l’étape.

Il ne faut pas sacrifier nos rêves, les autres ont besoin de nous, et nous, nous avons besoin de les savoir heureux.
Alors, on vit, on avance vers l’inconnu, on vieillit ensemble sur cette route infinie, par-dessus les ornières, celles du chemin, celles de nos âmes, de nos erreurs et on fait des choix, main dans la main.
Quand on fait des choix, c’est qu’il y a plusieurs options tentantes et c’est donc forcément difficile. Et quand le choix est posé, à deux, on ne se retourne plus dans le regret et on avance.
C’est comme ça que nous sommes passés de la Route Transsibérienne au train Transsibérien qui va à Vladivostok.
 

 

 

Selfie à la mode d’autrefois

 

  
La moto, partie un jour avant nous arrivera un jour plus tard que nous.
Trouver l’endroit du fret, expliquer ce que l’on veut, et réussir, c’est déjà une petite victoire.
 

 

 

 

 

 

 

Trois nuits, quatre jours pour atteindre Vladivostok depuis Irkoutsk.
Un temps propice pour parler, pour rêver, pour regarder ce paysage si vaste, la Taïga encore enneigée, les steppes désertes où sont posés de pauvres villages sur l’herbe qui verdit.
C’est prendre le temps de penser à toutes ces vies qui défilent, à la difficulté de leur survie dans cet environnement qui, s’il nous semble romantique est pourtant certainement hostile.
 

 

 

 

 

 

 

 


Ce n’est pas pour rien que de nombreux goulags ont été installés sur cette route, les premiers pour une fonction économique pour construire la voie ferrée, les suivants, pour le redressement et la punition.

Aux portes d’un goulag, on pouvait lire « D’une poigne de fer, nous conduirons l’humanité vers le bonheur ». Je ne sais pas ce que les zeks en pensaient.
C’est le temps de penser au confort de nos existences et quand nous voyons toutes ces maisonnettes entourées de palissades pour se protéger des loups et des ours, ces maisonnettes avec leur petit potager, le lac et le fleuve pour pêcher, il est facile de comprendre leur vie si rude.

La vie dans le train

Quand on prend le Transsibérien, faut déjà savoir que les horaires sont tous à l’heure de Moscou. Aussi faut-il bien calculer le décalage horaire, au risque de se retrouver à quai à attendre ou à pleurer du train déjà parti ! Qu’on se rassure, nous connaissions la chose !
Chaque Wagon, que ce soit les 3èmes, 2èmes ou 1ères classes ont leur provodnik si c’est un homme, ou leur provodnitsa si c’est une femme. Ils ont l’entière et absolue responsabilité et sécurité de leur wagon et font la pluie et le beau temps.

 

Tenue d’hiver

 

Tenue d’été
Tenue de ménage

La notre, Tania, est très souriante, aimable, dit quelques mots d’anglais et se met en quatre pour nous faciliter la vie et nous vendre toutes ses babioles (glace, tasse à thé, peluche de foot …). Elle passe l’aspirateur entre nos jambes, m’entraîne entre deux wagons pour fumer, chut, chut, c’est interdit ! De toute évidence, elle craint énormément la Police du Rail.

La nuit succède au jour, nous mangeons nos provisions, concombre, tomate, banane, une grosse saucisse fumée, mais à cuire, que Jean-Luc ne gâchera pas ! A une extrémité de chaque wagon, le samovar est bien utile pour le café et les nouilles lyophilisées.

Nous avons choisi d’être en première classe pour avoir la tranquillité d’un compartiment à deux couchettes (n’oublions pas que Jean-Luc ronfle !). C’est quand même mieux que celui à quatre couchettes ou celui à 58 (oui, cinquante-huit !) où, lorsque nous le traversons pour aller au wagon restaurant, les odeurs de pied, de nourriture et de tinette sont très prégnantes.
 

 

Selfie à la mode d’autrefois

 

 

 

Cette parenthèse sur rail est comme un nouveau souffle et le bercement du train, la quiétude feutrée qui y règne nous offre un véritable repos, une sorte de bulle dans laquelle on se laisse porter …

A Khabarovsk, à 300 km du Pacifique. Le train a traversé le fleuve Amour. La campagne a enfin enfilé ses fringues d’été et à l’arrêt, à la gare, sentir maintenant la douceur de l’air est bien agréable.
Nous longeons la Chine depuis un long moment et j’ai pu me rendre compte à quel point notre provodnitsa comme les autres n’aiment pas les chinois. Son visage méprisant et les mots marmonnés en disent long …

Nous sommes à 12 heures de Vladivostok et nous allons terminer nos provisions au repas du soir avant de nous laisser bercer une dernière nuit.

Ce que Jean-Luc a aimé :

  • Voir parfaitement le paysage, tant à droite qu’à gauche sans la crainte de tomber dans un nid de poule par inattention.
  • Piquer un roupillon avec la steppe qui défile derrière lui.
  • Se laisser bercer par les longs mouvements du train.
  • Pouvoir parler tout son sou et pas à travers le micro du casque

Ce que Dominique a aimé :

  • Etre couchée des heures dans sa position favorite de lecture.
  • Regarder la taïga qui défile.
  • Manger du chocolat à n’importe quelle heure.
  • Les jolies tasses à thé du wagon
  • Acheter des pirosky sur le quai de la gare, sorte de beignets fourrés au fromage, très bons, très gras, très caloriques !
  • Photographier n’importe quoi
    Dominique photographiant n’importe quoi

     

Ce que Dominique n’a pas aimé :

  • Devoir attendre entre 3 et 4 heures entre deux gares pour pouvoir fumer sur le quai, seul lieu autorisé.
  • Se faire presque attraper par la Police du Train pour avoir fumé en douce entre deux wagons.
  • Découvrir que la saucisse fumée mériterait d’être cuite. Ça n’a pas dérangé Jean-Luc.

PS n°1 : Merci à tous nos supporters

PS n°2 : Merci à Bruno de Normandie pour l’éloge que nous recevons avec un immense plaisir.

PS n°3 : Tous nos frères et sœurs et enfants, racontez bien nos aventures à nos Vieux Parents.

 

 

De Oulan-Oude : L’âme de la Sibérie, la Russie éternelle

11 mai 2018
Ainsi avons-nous ressenti palpiter l’âme russe.
Quelques tableaux :
• L’amour d’un pays

La Perle de la Sibérie

• La Russie Eternelle

à suivre …

Depuis le Lac Baïkal

«La vie, ce n’est pas seulement respirer, c’est aussi avoir le souffle coupé »

Le 7 mai 2018

Nous voilà arrivés au lac Baïkal. Nous en rêvions, nous avions vu des reportages, lu des histoires de voyageurs ou de touristes bien organisés qui planifient le moindre détail, la moindre visite. Dire que nous ne pensions pas arriver jusqu’ici sans encombre ! Sûr que les dieux ou les esprits sont avec nous.
 

 

Nous logeons dans une guest house un peu de bric et de broc, un peu miteuse dont le propriétaire qui semble bourru de prime abord se révèle bien sympa.
 

C’est pour les russes, l’inter saison mais pour nous tout semble magique.

Ici, nous sommes en pays  bouriate, une ethnie mongole. Les bouriates disent que ce lac est la mer sacrée. On l’appelle aussi « la perle de la Sibérie ».

Il est immense comme toute la Sibérie finalement. 680 km de long, 80 de large, c’est la plus grande réserve d’eau douce au monde, plus que les cinq grands lacs américains réunis. 25 îles sur cette immensité et l’une d’elle nous attire tout spécialement. C’est l’île d’Olkhon, le cœur du chamanisme sibérien, le centre sacré du monde des chamans du Nord, reconnu comme un haut lieu du spiritualisme asiatique.

On dit que l’île est l’habitat des esprits. Khan Hoto Babaï serait venu sous la forme d’un aigle royal (emblème de l’île) et son fils serait le premier chaman. Les mythes et légendes abondent.

Alors au matin, le nez au vent (en fait bien cachés sous l’anorak, les bonnets et les gants) il fait -2 mais le soleil nous réchauffera jusqu’à, au moins 11, sans aucune idée du fonctionnement du bac traversier, du moyen de se déplacer dans l’île, nous allons jusqu’au débarcadère. On nous avait dit qu’il commençait ses rotations le 6 mai et ça tombe bien, le 6 mai c’est aujourd’hui !
 

Il n’y a pas d’engin flottant de notre côté de la rive, mais enfin, un bateau vient d’en face, fendant la glace.

Il débarque une armada de Coréens, presque tous un masque sur le nez. Tiens, on dirait que l’information selon laquelle l’eau et l’air du Baïkal sont très purs n’est pas arrivée partout !


Ce sont ceux annoncés par les deux russes (chauffeurs de bus) qui ont mangé avec nous hier soir.

Un spectacle à lui tout seul. Le traversier fend la glace qui craque sous sa force. Il faut de la patience quand on n’organise rien, mais du temps, nous en avons puisque nous nous reposons ici quelques jours.
 

 

 

 

En 10 minutes de traversée, émerveillés du spectacle nous sommes sur l’île. Il traverse à l’extrémité sud de l’île, « les Portes d’Olkhon » et on aimerait aller à Khoujir où il a des trucs à voir parait-t-il.
Oui, et comment fait-on maintenant ?
Comme on voit plusieurs UAZ, des fourgonnettes soviétiques réputées increvables et qui servent de taxi collectif, on monte dans l’une d’elles.
 


Mais niet, il faut descendre, celle-là est réservée pour un groupe de touristes. La guide du groupe nous dit qu’elle peut nous en envoyer un et nous acceptons l’offre. Mais quand, comment, on ne sait pas ! Ecole de patience vous dis-je. Un bouriate nous fait monter dans une autre et on attend. Le blizzard secoue la fourgonnette, nous sommes à l’abri relativement au chaud et Jean-Luc en profite pour piquer un roupillon.
Après une autre rotation de traversier, un homme au volant de la même fourgonnette que celle où nous patientions, attendant je ne sais quoi, nous prend à son bord et c’est parti pour 40 km de pistes chaotiques, de steppe jaunie après l’hiver, de chevaux sauvages, de maigres troupeaux de vaches.
 

 

 

On descend à Khoujir le village le plus habité de l’île là où vit le roi des chamanes des Pays du Nord qui reste bien caché derrière ses palissades, ce n’est pas la saison des cérémonies.
 

 

Dans le chamanisme il existe trois mondes. Le supérieur, peuplé des dieux, le médian, peuplé des hommes et l’inférieur peuplé des âmes des morts. Les esprits vivent dans les trois mondes et donnent au chaman sa force. Les esprits, ne sont ni bons, ni mauvais et il faut composer avec eux. Un chaman fait ce qu’il veut : maudire ou soutenir mais en aucun cas, il ne peut refuser l’aide qu’on lui demande.

On se croirait en Inde du Sud, hors la largeur des rues sablonneuses. Les vaches cherchent dans les poubelles, les chiens dorment, truffe au soleil et quelques voitures filent soulevant la poussière.
 

On trouve facilement le rocher sacré, le Chamanka, enchâssé dans la baie et dans la glace. D’un côté une plage caillouteuse et de l’autre côté de la baie une longue plage de sable blond où le froid a statufié les vagues sur le rivage. C’est un site d’une exceptionnelle beauté.
 

 

 

Des piliers, comme des totems, enrubannés de couleurs vives, parfaitement alignés appellent au calme et même à la méditation. Ce lieu si solitaire, sur la colline battue par le vent, regardant le lac pris dans sa glace aussi bleue que le ciel, transporte l’âme. On dit, qu’ici les esprits sont si présents que l’on peut leur parler même en l’absence d’un chaman. Je l’ai fait …

Tout semble magique et hors du temps. On nous a dit que juillet et aout était la saison où la foule de touristes était dense. On imagine facilement au regard du nombre d’échoppes (fermées) d’étals à souvenirs (vides) et de restaurants (fermés). Tant mieux tout n’est que plus mystérieux.

C’est très frustrant de ne jamais voir les maisons de bois ou les yourtes. Elles sont toutes, de la plus grande à la plus petite, entourées de haute palissades de bois ou de tôle colorée. On n’aperçoit que le sommet arrondi des yourtes. Sauf la yourte restaurant, fermée, bien sûr.

Nous avons marché sur l’herbe rase, mis les pieds sur la glace. C’était comme une intense respiration.

On trouve une « cantine » open et après un bortch bien chaud et des pelminis, après avoir rencontré un jeune russe de Kazan qui a reçu en cadeau pour ces 40 ans, un séjour sur l’île avec des amis, nous reprenons le chemin du débarcadère, grâce à lui qui nous a trouvé un chauffeur avec un vrai 4×4 et qui a pris des pistes improbables, nous secouant comme des paquets fatigués. C’était tellement mieux que la piste en tôle ondulée de l’aller.

Nous rentrons fourbus et profondément heureux de cette journée.

Ravitaillement à la petite épicerie du village et nous dînons à la table commune. Deux russes mangent aussi et offrent l’oumul, le poisson du Baïkal. Je veux bien croire qu’il est prisé dans toute la Russie mais là, si fumé, si salé, si sec, ce fut dur, très dur …

Les bouriates ont leur propre culture, étonnant mélange de chamanisme, de bouddhisme tibétain, de christianisme orthodoxe, mélange aussi de nomadisme et de sédentarisation.

Ici, au tour du lac, ils sont pêcheurs et bergers. J’ai lu, que, en 1930 sous Staline, ce fut une purge épouvantable, laissant le peuple bouriate exsangue.

J’ai lu (oui, je sais, je lis toujours après avoir vu, ainsi on part vierge de toute connaissance et j’aime bien) que les ethnographes ont découvert que le mot chamane au féminin est beaucoup plus ancien que le mot chaman au masculin. Il apparaît donc comme certain que les premiers chamanes furent des femmes. Super hein ? J’ai lu aussi que leur chant qu’on appelle joiks ressemble au bel canto.

Mais nous n’avons entendu que le sifflement du vent, le son cristallin de la glace qui fond sur les berges, le fracas des plaques heurtées par le bateau, le cri des mouettes et notre cœur est rassasié.
 

 

 

 

J’ai cru que la steppe était comme un espace sans vie, que les arbres, rares, que l’on aperçoit étaient morts, brûlés par le feu et par le gel.

Pourtant aujourd’hui notre grande randonnée nous menant sur un autre versant et où l’on voit le lac dans son immensité m’apprend que la steppe est bien vivante. Des fleurs sauvages mauve ressemblant aux colchiques, des lichens, des minuscules fleurs blanches et jaunes, parsèment l’herbe jaune. Elle sera verte dans plus d’un mois. Et ces arbres aux minuscules bourgeons, portant des petites pommes de pins et des fleurs ou fruits, je ne sais pas, me disent qu’eux aussi sont plein de vie.
 

 

 

 

 

 

 

 

Nous avons adoré marcher. Ça vous épate ? Nous aussi.

A l’heure où j’écris ces lignes, la journée touche à sa fin. Jean-Luc ronfle paisiblement. La révision de la moto attendra, parce que de toute façon, s’il y a un mécanicien, il n’y a pas d’huile. On fera ça plus tard, parce que plus tard est un autre jour …

Ce que Jean-Luc a aimé :

  • Filmer la glace qui se rompt sous la force du bateau et le son puissant que l’on entend si bien
  • Ecouter le son infime et cristallin, comme un léger tintement, de la glace qui fond sur la plage
  • Rire en comprenant que le vieil homme mongol au visage buriné comme du vieux cuir nous avait observé crapahuter des heures jusqu’au sommet de la colline nous souhaitait de bien dormir. Je crois que des dizaines d’yeux nous ont vu derrière les palissades. Ce n’était pas difficile de repérer deux bonnets rouges dans le désert absolu de la steppe.
  • Voir ce petit cimetière posé sur la steppe avec des tables de pique-nique et sur les tombes, des assiettes et des verres

 

Ce que Dominique a aimé

  • Marcher sur la glace, quelques pas.

 

  • Croire que les esprits m’ont écouté
  • Découvrir la vie de la végétation
  • Me perdre dans mes rêves en regardant le lac glacé
  • Imaginer le même paysage durant l’été si court
  • Faire bonne figure devant les présents de nourriture offerte à la table commune.

 

  • Photographier n’importe quoi

 

 

Ce que nous n’avons pas aimé

  • Se sentir curieux et avoir le regard « empêché » à cause des palissades
  • Ne pas savoir quels animaux vivent dans tous ces trous creusés dans la steppe. Rongeurs ? Marmottes ? Lièvres ?
  • Ne pas voir de phoques dont la légende dit qu’ils sont arrivés par un canal souterrain venant de l’océan Arctique et en règle générale pas d’animaux en dehors des chevaux et des vaches. Ni grue de Sibérie, ni tigre de Sibérie, ni ours de Sibérie et pas la queue d’un mouflon des neiges.

La suite, la prochaine fois et comme toutes les fois, nous vous remercions pour vos messages de tendresse, d’encouragement. Quand le découragement est là, ça arrive, nous y pensons et ça nous porte.

A bientôt.

 

Depuis Irkoutsk

  « Le voyageur voit ce qu’il voit, le touriste voit ce qu’il est venu voir »

Le 04 mai 2018.

Effet du climat continental, hier la chaleur était vive avec ses 30° et ce matin, le thermomètre peine à atteindre les 7° à Kansk.
 

Il pleut des cordes. On charge la moto sous la pluie et quand, enfin prêts, nous voulons partir : niet ! la clé de contact refuse de tourner dans sa serrure. On essaie les 3 clés dont celle de sécurité et toujours niet. Nous sommes déjà trempés, et surtout désemparés. Allez, Jean-Luc met de l’huile sur la clé, dans la serrure du démarreur et après moult essais et nettoyages, ouf ça fonctionne. Comme l’étape est de 400 km puisque c’est le désert total entre ici et Touloun, que nous allons prendre 1 h de fuseau horaire en plus et que nous avons perdu 1 heure à ramer, ça promet d’être du sport!

Et bé, non, journée superbe et passées les trois heures de pluies diluviennes, on savoure le spectacle. 400 km de forêt boréale ou ce qu’on appelle en Russie, la taïga. C’est comme si nous allions de Lyon à Paris sur une route parfaite entourée à perte de vue de forêt. Sapins, épicéas, aulnes et bouleaux, le parfum des pins se glisse sous le casque, les nuages roulent dans le ciel, c’est absolument magique.
 

 

La nuance des troncs ambrés des pins et celle argentée des bouleaux sont un ravissement.

Tous les 100 km, une station-service toute seule puis les rivières d’arbres reprennent.
Il y a aussi des châteaux restaurant routiers qui poussent juste à côté.
 

Nous arrivons à Touloun, dans notre logis du soir, ravis et à peine las. Et heureusement qu’on ne sait jamais à l’avance ce qui va arriver sinon nous n’avancerions plus …

Parce que la route du lendemain, a été un peu, beaucoup, un cauchemar.

Touloun – Irkoutsk

Il ne pleut plus, le thermomètre frôle les 9°, c’est parfait, et même le ciel se permet des nuances de bleu.

Nous partons confiants. Nous savons que les entrées et sorties de ville sont piégeuses avec leurs nids de poule et leurs ornières et, en effet, en reprenant la transsibérienne, tout va bien, sauf que ça ne dure pas longtemps et même si les travaux de réfection sont en cours, ce sont des dizaines et des dizaines de kilomètres de pistes puis de route « peignée ». Le blizzard souffle en bourrasque et le jeune mongol de la station-service nous prévient que ça va durer trois jours. Merci bien !
  

Jean-Luc est un pilote d’exception, moi, j’vous l’dis. Il maintient et réadapte la moto à chaque bourrasque, on roule entre 30 et 60 km/h en fonction de la chaussée et on avance.

La forêt boréale est derrière nous. Ici durant les 400 km, ce sont des champs cultivés de terre encore brune où apparaissent comme un duvet des pousses vertes.
 

 

 

Je ne suis pas marseillaise hein les enfants ! Jean-Luc est témoin et c’est bien 400 km de champs, à l’ouest et à l’est à l’infini, tout comme au nord et au sud.

De temps en temps, tous les 50 km surgit un village rural, un enchevêtrement de toits d’isbas, noircies, encloses derrière les palissades. La vie des moujiks n’a guère changé depuis des lustres. Ils sont passés de la férule des tsars à celle des kolkhozes, puis à la privatisation donnant la terre si durement travaillée sous cette latitude à de gros consortium aux yeux plus rivés sur les tableaux de rentabilité que sur la réalité tant écologique qu’humaine. Nous avons appris qu’il reste encore quelques kolkhozes dont l’un immense appartient à l’opposant politique communiste du parti unique du président actuel et qui ne l’a pas emporté lors des dernières élections, mais ça, vous le saviez.

Dans les années 1775, la guerre des paysans, jacquerie des cosaques de l’Oural a atteint aussi la Sibérie; rejointe par les popes et les moines et après une féroce répression, le noms des villages et des régions a été changé (on met tout sous le tapis, y’a rien eu) . Ceux qui le souhaitent peuvent lire le bouquin de Pouchkine « Histoire de la révolte de Pougatchev »

Bref, après y’a eu les kolkhozes (économie collective) où les kolkhozniks étaient payés en part de production et avaient droit à 4 000 m2 de terre pour eux et du bétail, bien mieux que les sovkhoses lancés par Staline où les paysans étaient salariés.

Autrefois moujiks, donc libres et pas esclaves, peu à peu, ils deviennent asservis malgré tout et ce sera le tsar Alexandre II  qui abolira le servage en 1800 et quelques.

Beaucoup plus tard, les paysans, au moment de la Révolution russe de 1917 attendaient beaucoup du nouveau pouvoir bolchevique et ensuite en URSS les moujiks sont considérés comme « des petits bourgeois  au pire sens du terme, sans aucune culture, sans aucun sens de l’état » (phrase de Maxime Gorki)

Bref, z’avez vu, j’apprends tous les jours….

Dans la Fédération de Russie actuelle, le terme moujik est péjoratif et désigne le russe moyen.

Nous, ce que nous avons vu, c’est que, finalement, les conditions de vie des paysans n’ont pas beaucoup changé quand on voit leurs villages si pauvres perdus au milieu du gigantisme des champs. Des isbas branlantes, des palissades qui s’écroulent, quelques vaches étiques qui paissent dans l’herbe jaune, gardées par des cow-boys ou des gauchos ou le terme russe que je ne connais pas, quelques moutons et parfois des poulaillers géants qui, à mon avis, n’appartient pas aux personnes du village.
 

 

Bref, la journée arrive à sa fin et c’est complètement rétamés que nous arrivons à Irkoutsk, fiers et heureux parce que le nom de cette ville résonnait comme une victoire d’aller à 10 000 km de chez nous si près du lac Baïkal mythique à plus d’un titre.

Je vous raconterais quand nous y serons, je dis juste que si l’on dit à un russe : « Lac Baïkal » il répond « Baïkal ! Amour toujours !» (sic !).

Place à Irkoutz

Prenez Wikipedia, le Lonely Planet et vous serez sûrement mieux informé.

Mais, je vous l’assure pour le voir avec nos yeux, c’est un coup de cœur total.
 

 

  

 

 

 

 

 

Irkoutsk est une ville de Sibérie orientale dont l’emblème est un tigre. D’ailleurs, j’ai oublié de dire que chaque ville à son emblème, un cheval volant (non pas Pégase), un lion, un phoque etc. … Ses collines sont couvertes de taïga et elle a été fondé en 1652 avec le commerce de zibeline puis les mines d’or. Ville prospère puis théâtre de combats affreux entre les « blancs » et les « rouges », elle nous semble paisible aujourd’hui. Elle a un climat subarctique et est couverte de neige 160 jours de l’année, ce n’est pas beaucoup en rapport à d’autres villes sibériennes mais paraît que ça caille dur (-45°). Pour nous, il fait beau et tiède et on adore l’ambiance, l’architecture des maisons en bois, en brique, de l’ancien et du moderne.

On dirait qu’ici les gens sont nonchalants. Les nombreux visages asiatiques sont maintenant bien présents. Mongols, chinois, coréens et japonais.

Les touristes européens ne sont pas arrivés, mais ils doivent être nombreux en juillet-aout parce que les panneaux indicateurs des lieux à voir sont écrits en russe, en anglais et en chinois ou japonais, on ne sait pas. D’ailleurs, c’est peut-être du Coréen !

Nous nous baladons dans le centre historique classé au patrimoine de l’Unesco, on traverse un parc au bord du fleuve, tiens ! la statue de Youri Gagarine (enfin juste sa tête, pas le buste !). On mange des pelmenis (j’ai retenu le nom des raviolis russes dont je raffole), des salades d’ici avec du chou et de la betterave, coupés en fines lamelles.
Le vent souffle et à pied, en dehors d’avoir les cheveux ébouriffés, ce n’est pas trop gênant.

L’art a une grande place en Russie et ici comme dans toutes les villes, les théâtres abondent et, en plus, les édifices sont beaux comme le théâtre dramatique.
Saviez-vous que le danseur étoile Rudolf Noureev était né ici ?
Sans oublier les églises orthodoxes russes. Des bulbes, parfois des flèches dont l’or semble fondre au soleil.
  

 

Oublions Lénine, voici le tsar Alexandre III
Youri et sa collerette de scaphandre

  

 

Une ville où nos pieds ont bien marché, heureux de flâner sans se presser.

Ce que Jean-Luc et moi avons aimé :

  •     La forêt boréale
  •     La solitude sur la route et même la pluie
  •     Le subterfuge de Jean-Luc pour contrer le judas sur la porte, où l’on peut voir des deux côtés ! (Faut prendre de la cire à moustache, un morceau de PQ et le problème est réglé)
  •     La ville d’Irkoutsk
  •     Déguster une draniki et un bœuf Stroganoff
  •     Photographier n’importe quoi.

 

 

 

 

 

Ce que nous n’avons pas aimé

  • Les vendeurs d’ours empaillés (c’était il y a quelques jours et j’avais oublié d’en parler), les vendeurs de renards empaillés.
  • La route infernale et se faire dépasser par la droite sur une piste « champ de trous » où maintenir l’équilibre de la moto est un défi à chaque seconde.
  • Quand en plus le blizzard s’en mêle, « mais qu’est-ce qu’on fait là ! »

La suite bientôt, de la « Perle de la Sibérie », le Lac Baïkal, magique, étonnant, déroutant, imprévisible, du pays des Bouriates …

Depuis Touloun à propos de Novossibirsk

2 mai 2018

Voilà, je prends le temps de vous raconter Novossibirsk parce que ce moment restera pour nous inoubliable.
C’est la capitale de la Sibérie à 2 800 km à l’est de Moscou. C’est la 3ème plus grande ville de Russie et la principale métropole russe à l’est de l’Oural. Ville de contrastes.
 

 

 

  

Vous nous demandez comment avons-nous fait pour passer cette journée en langue française.

L’année dernière dans notre Bourgogne et dans le Morvan est venue Natalia et un groupe d’élèves du Gymnasium 16.

Nous étions allés voir leur spectacle. Une dentelle d’art, de danse et de poésie dans notre belle langue. Nous avions rencontré Natalia et elle nous avait donné son adresse mail et l’adresse du Gymnasium lorsque nous lui avions parlé de notre projet.

Durant le voyage vers Susdal nous lui avons écrit et elle était ravie.

Mais impossible de lui dire 4 000 km avant, le jour précis de notre arrivée. Natalia nous dit qu’elle repart pour une tournée de spectacle du 26 avril au 6 mai …  chez nous ! Nous sommes arrivés le 27 avril … chez elle.

Mais, mais, mais c’était sans compter sur Olivier, professeur de français au Gymnasium qui, au pied levé, a pris le relai! Il vit en Russie depuis 7 ans, sa femme est une scientifique et il n’a nulle intention pour l’heure de revenir en France sauf pour les vacances d’été.

Un grand merci à Olivier qui nous suit fidèlement. Il est venu nous chercher à notre hôtel. Et voilà le gymnasium 16

Nous avons passé la matinée à l’école qui accueille les enfants de l’équivalent du CP jusqu’en troisième. Olivier a organisé une mini conférence où nous avons raconté notre voyage et répondu aux questions des élèves.
 

 

Nous étions heureux et les jeunes étonnés et ravis.

Je suis épatée et ébahie de la qualité du français, de l’aisance que l’on ressent chez eux et au sein de l’école.
 

Tellement de différences avec nos écoles.

Quand les élèves arrivent, ils vont au vestiaire (tout comme dans les autres lieux d’importance, les théâtres, la bibliothèque) et changent de chaussures. Ils ont cours soit le matin, soit l’après-midi et le reste du temps, soit le matin, soit l’après-midi est du temps consacré aux arts, au sport. Nous avons suivi un instant un cours de français d’enfants de dix ans. Il étaient 9 en classe et je comprends pourquoi l’enfant append vite et bien.

Un mot sur Kostia, ce jeune garçon qui s’entraîne 6 jours sur 7 au biathlon, il m’a émue et je ne saurais dire pourquoi. Son sourire, son regard plein de force, je ne sais pas. J’avais une p’tite tour Eiffel porte-clé dans la poche, je lui ai donné, il a mis les mains sur son cœur et a semblé bouleversé autant que moi.

Nous sommes allés au musée de l’école fait par les enfants. Et tout un groupe d’élèves a expliqué le musée Normandie-Niemen à la gloire de l’escadron éponyme. C’était des français. Les élèves récoltent tous les témoignages de cette époque, ils sont exposés dans les vitrines. Je n’imagine même pas un élève français s’impliquer au sein de son école à la création d’un musée !
 

 

 

 

Invités ensuite à la cantine où nous avons déjeuner avec d’autres professeurs, nous en sommes encore tout étonnés.

Le Gymnasium compte 1 500 élèves et la cantine semble petite. On apprend ainsi que la cantine est ouverte dès 9 h du matin et les enfants viennent manger quand ils le veulent, durant les inter cours ou avant de commencer l’école. Les parents peuvent venir manger avec eux s’ils le souhaitent, du reste, il y avait des mamans qui étaient là avec leurs petits.

Puis et encore merci Olivier sans oublier Alice en stage FLE en Sibérie pour 6 semaines, nous nous sommes promenés dans la ville. Le parc de la Victoire où des allées parfaitement rectilignes sont plantés de sapins. Un par héros décoré de l’équivalent de la Croix de guerre. Il y avait un camion avec sa rampe porte missile qu’on appelle « orgues de Staline » (sans les missiles), un avion, un char et c’était surprenant de voir tous ces gamins qui jouaient dessus.
 

Le 9 mai, la fête sera immense, comme dans toute la Russie, avec des parades et des défilés des descendants et parents qui portent la photo en pancarte de ceux tombés à la guerre. Ils sont 25 millions en Russie à être morts ainsi durant la deuxième guerre mondiale et ça me peine de m’apercevoir que l’on parle toujours de l’aide américaine, du débarquement et quasiment jamais de l’aide Russe sur le front de l’Est. Je le savais pour l’avoir appris, mais comme ça, si brièvement.

Et l’après-midi continue. Hop le métro.

Nous nous laissons porter par notre guide chaleureux. Nous avons rendez-vous à la bibliothèque régionale de Sibérie avec le groupe de conversation française.

Un bonheur. Autour de la table plusieurs femmes et un homme et nous bavardons à bâtons rompus, de notre voyage, de notre ressenti. Un débat très ouvert et une véritable curiosité. Du thé, des gâteaux, du chocolat, des rires, des sourires, des questions, les leurs, les nôtres.

 

 

Et l’après-midi court, court. Nous récupérons les anoraks au vestiaire et partons découvrir la ville. Olivier, Alice, Tatiana et deux autres dames du groupe. On a admiré le grand théâtre bien plus majestueux que le Bolchoï, les statues de Lénine et guerrier de la révolution, immenses, massives, un parc d’agrément et de manèges, ainsi que le théâtre où se joue des comédies.

Et n’oublions pas Lénine.

 

 

 

            

 

 

 

J’ai beaucoup parlé avec Tatiana. Son grand-père était un ancien déporté au goulag. Il a rencontré sa grand-mère et depuis la famille s’est construite en Sibérie.

Les gens restent très secrets sur leur vie privée et peu racontent même leur quotidien. Comme si c’était des restes liés à leur Histoire. Cette attitude commune à tous ceux que nous avons rencontré explique en partie, à mon sens, pourquoi d’un prime abord, les russes peuvent sembler froids ce qui n’est pas du tout le cas passé le cap des premiers instants.

C’est volontairement que je ne livre pas ce que l’on m’a confié devant le tombeau des bolcheviques, peut-être que la personne ne souhaite pas que ce soit sur un blog et en tout cas, par respect je ne le dirais pas ici.

En fin de journée nous avons repris le métro et quand Olivier s’est bien assuré que nous retrouverions notre chemin, nous nous sommes séparés.

Une journée superbe grâce à un homme d’une incroyable gentillesse et qui nous a offert tout son temps.

Une bulle de bonheur

Merci Olivier …

Depuis Krasnoïarsk, de Kazan à Novossibirsk

Lundi 30 avril 2018

« Voyager, c’est l’aventure, celle qui laisse des traces dans l’âme »

Et aujourd’hui, c’est ton anniversaire Rémy !

Que de jours passés depuis les tatars.

Alors je repars quelques jours en arrière.

Nous avons quitté le Tatarstan sous un froid sec de -2° à 4° mais nous sommes contents parce que le soleil est de retour.

Nous roulons vers Naberezhnyc Chely au bord du fleuve Kama. C’est fou tous ces larges fleuves dans ce pays. C’est une ville sans charme, là où sont fabriqués les camions Kamaz. C’est un bassin d’emploi énorme et donc la ville est énorme.

Mais divine surprise nous trouvons un mini-hôtel de trois chambres. Etonnant concept très agréable et économique. Notre chambre est lumineuse, d’une propreté incroyable. Le nom doit y être pour quelque chose « Swiss Hôtel » et c’est suisse jusqu’aux prises de courant.

Nous refilons dès le lendemain vers “Y Obarré A”, lire Ufa, la capitale de la Bachkirie, encore une petite république restée dans le giron de la fédération de Russie.

Une route aux allures de piste. On saute, sursaute, tressaute sur une chaussée gondolée et trouée. Ce ne sont plus des nids de poule mais des marmites.
 

On s’arrête grand luxe ce soir tant nous sommes épuisés. L’Holiday Inn au prix d’un Formule 1 de chez nous.
 

En Bachkirie deux langues officielles, le russe et le bachkir et comme nous ne comprenons ni l’une ni l’autre ce n’est pas vraiment gênant.

Entre l’Oural et la Volga, c’est une petite république de collines et de plaines au sous-sol riche en pétrole si l’on en juge par ces pompes qui, inlassablement lèvent et baissent leurs bras. Peintes de couleurs vives comme les maisons aux toits rouge ou vert pétant et c’est une bonne idée de colorer ainsi la terre brune riche des récoltes à venir. Les labours et semis sont faits avant la neige qui reste encore en large plaques épaisses.
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ufa a son  goum  comme dans presque toutes les grandes villes. Un lieu immense, plein de boutiques et un supermarché. C’est là que nous nous ravitaillons.

Choisir légume ou fruit en lettres de Cyril …

Nous dînons souvent en posant une serviette sur le lit. Pique-nique quoi !

Ce soir-là, à Ufa, nous assistons à une course poursuite d’un jeune par la sécurité. Les hommes de la sécurité ont un flingue et le casque, Outchhh! Il faisait hyper froid, j’ai eu hyper chaud tout d’un coup.

Nous avons maintenant 3 h de décalage avec la France.

Il faut repartir et c’est un défi, une lutte contre nous même. Il fait froid, si froid et la route est décourageante.

Si j’ai le moral en berne, Jean-Luc dit : « eh ! on est là pour notre plaisir » et je me sens mieux. Quand c’est lui qui est brisé de fatigue je dis « eh ! on est là pour notre plaisir » et ça va mieux.

Le mieux c’est de s’arrêter pour alimenter la chaudière pour mieux lutter contre le froid. Un café américano (il y en a partout) et une saucisse chaude ou une soupe et en route …
 

Les distances entre les villes sont gigantesques et c’est parfois compliqué de trouver un logis pour l’étape mais quand on coupe le moteur, quel ouf et quel enthousiasme renouvelé.

Ainsi nous quittons l’Oural méridional sous la pluie, quelle barbe et dès lors nous quittons la Russie européenne.

400 km de désert absolu, comme nous aimons.

Le ciel s’éclaircit, des hautes herbes jaune courbées par le vent, des lacs et des lacs bleus de glace. Il fait 8 ° et des gens pêchent dans le trou de glace.

Et il repleut, pleut sans discontinuer.

Voilà enfin Kargan, une autre ville géante. On tourne, on cherche l’hôtel salvateur. Voie sans issue.
 

Nous sommes dans le quartier des hôpitaux, cliniques, labo, bref que du médical.

Deux jeunes russes, l’un avec des béquilles en bois sous les aisselles et son copain venu le chercher nous viennent en aide.

Je fais le geste dodo les deux mains jointes sur la joue. « Da, da ». Je monte dans leur voiture, Jean-Luc suit à moto. Je me retourne sans cesse pour voir s’il est bien derrière nous.

Et nous voilà à l’hôtel. Accolé à un centre de radiologie et dans la cour d’un vendeur de fauteuils roulants et accessoires, on aurait pu chercher longtemps.

A sent le médicament mais c’est tout propre.

Demain est un autre jour.

Voilà la Sibérie

Dès Ischim nous entrons en Sibérie. C’est la fin de la route européenne 22 qui commence en Grande-Bretagne, passe au Pays-Bas en Allemagne et termine sa vie d’Europe.

A la station-service qui me sert aussi de pause clope (oui, je sais, j’aurais dû profiter du voyage pour arrêter de fumer.) surgissent comme des diables hors de leur boîte des grands gaillards bardés de cuir avec un poignard attaché à la cuisse.
Eh Jean-Luc, tu me vois ? J’ai une trouille terrible. Ah, voilà, je vois mon homme et les gaillards aussi. Ils s’étreignent en frères d’arme et finissent avec des tapes dans le dos. L’un parle anglais.

« Vous êtes crazy, nous sommes aussi motards mais pas maintenant, fait trop froid » « Bravo les français, vous aimez les russes ? »

Et on bavarde ainsi, on sort la carte routière, Jean-Luc montre la route.

Les gars n’en peuvent plus d’étonnement, ils rient. Super moment.

Ils offrent le béret du Che à Jean-Luc qui se doit de le coiffer illico, une bouteille de vodka et un drapeau. Ils disent qu’ils sont les loups de la nuit et nous souhaitent bonne route, grâce à Dieu.

J’ai fait des recherches, c’est un groupe de motards actif en Crimée, politisés depuis 2014. Leur chef est très proche du président et ils sont patriotes orthodoxes et communistes. Vaste mélange.

Et ainsi coulent les jours. Rencontres insolites, éphémères ou rencontre avec nous-mêmes.

La Sibérie dépasse l’imaginaire et il faut voir pour comprendre.

Quand les russes parlent de Russie éternelle, je ressens aussi cela. Un monde d’une solitude et d’un silence si grand qu’il semble figé dans le temps.

Taïga, steppes, bouleaux et l’horizon inaccessible. Oui, c’est ça l’infini…

On comprend pourquoi nul ne s’échappait des goulags. Comment faire ? Il n’y a rien qu’une mer de bouleaux et d’herbes et de neige durant le si long hiver. Tatiana m’a dit : « En Sibérie, si tu survis, si tu t’adaptes, après tu restes. Ainsi, des anciens du goulag ont fait souche, des allemands déportés, des russes dissidents, des ukrainiens déportés etc…puis les ponts sur les fleuves ont été construits, la voie ferrée transsibérienne était là, et d’autres sont venus s’installer.

Ce que Jean-Luc a aimé :

  •  Les shishi fir (?) des minuscules pommes de pins de la taille d’un dé à coudre confites dans sa sève et sucrées
  • Les routes entretenues par la DDE locale
  • Les pains aux raisins parce qu’en roulant un peu le r, en russe on dit pareil
  • Toutes les rencontres magnifiques avec ceux de Novossibirsk (mais j’y reviendrai)
  • Recevoir un échange de fraternité avec les bikers.
  • Les gens qui viennent spontanément lui serrer la main en faisant le signe pouce en l’air de l’autre main.
  • La disparité évidente entre la Russie Européenne et celle que l’on découvre maintenant, très Asiatique !
  • La sensation d’être au ‘Far Est’, des villes qui poussent très vite et maintenant (pour les dernières constructions) de façon harmonieuse.

Ce que Dominique a aimé

  • Quand il faut mettre du carburant, s’arrêter dans une station Gazprom, elles sont propres, y’a des banquettes orange et je peux enlever mes blousons, ma ceinture, mon tour de cou et … aller aux toilettes (je sais c’est prosaïque mais c’est le quotidien !)
  • Discuter à bâtons rompus en français avec ceux et celles de Novossibirsk
  • Manger des saucisses chaudes mais pas au petit-déjeuner.
  • Comprendre, enfin, que culturellement, les gens restent discrets et peuvent sembler réfrigérants sans un sourire (ça ne se fait pas) et voir que lorsque la glace est rompue ils se mettent en quatre pour nous aider et échanger.
  • Et bien sûr, photographier n’importe quoi.
    Les premières fleurs en bord de route
    Les premiers bourgeons
    Pilotis en béton de 10 m de long enfoncés au marteau-pilon.
    Poteau en bois sur pieds en béton.

     

  •  
  • Une berline de luxe d’un autre temps mise sur une stèle

Ce que nous n’avons pas aimé

  • Les stations services où il n’y a que Kacca (une caisse). On glisse 500 roubles dans la boîte à kacca, on se sert, on s’en va. Le préposé derrière sa grille ne dit ni drasvichié, ni dasvidania, ni spassiba. Je ne dis plus rien non plus.
  • Les trous énormes aux sorties des villes, la chaussée défoncée.
  • Etre pris pour des abrutis dans un hôtel miteux au milieu de nulle part, où la dame nous a littéralement claqué la porte de la chambre parce que nous ne comprenions rien de rien. Expérience très désagréable. Revenir un peu plus tard et dire « miam-miam », montrer l’heure et c’est tout de suite ou nada.

Ainsi nous arrivons à Novossibirsk

Et pour ici j’ai mille choses à raconter. Ce sera plus tard parce qu’il est tard ! 5h de décalage avec la France, bientôt 6