« Cela rend modeste de voyager, on voit quelle petite place on occupe dans le monde »
Vendredi 20 avril 2018
Un mois que nous sommes partis ! Déjà !
Quand on ne s’appelle pas Tesson, Brugiroux ou Bouvier, des voyageurs-écrivains qui me font rêver, c’est un peu difficile de raconter notre vie quotidienne.
Les heures qui coulent sont faites de mille instants passant de l’enthousiasme au découragement, de l’exaltation des découvertes à la fatigue qui brise les forces, de l’émerveillement des lieux à la laideur pluvieuse des endroits que nous traversons. Nous sommes secoués d’émotions constantes.
Nous avons quitté Moscou sous un chaud soleil et le froid revient avec la pluie, ici à Kazan.
Avant d’écrire sur cette ville où nous faisons halte, voilà en vrac des réponses aux questions qui sont posées dans messages et courriels
La vie quotidienne :
En roubles tout est moins cher. 1 euro c’est plus ou moins 70 roubles. Je dis donc tout en euro, ça vous évitera de convertir.
– L’essence : 55 centimes d’euros
– Une nuit hôtel ou habitant entre 20 et 40 euros avec le p’tit déj. et le parking (le parking comme pour notre voyage en Inde est la priorité)
– Le pique-nique dans la chambre : 3 euros pour nous deux
– Le pectopah (contents quand on a compris que ça voulait dire restaurant, parce que de l’extérieur, on ne peut pas savoir (sauf à St Pétersbourg ou Moscou bien sûr) :10 à 12 euros avec bière ! pour deux.
– Rien n’est onéreux . Un concombre, quelques centimes, des bananes (d’équateur !) idem.
– – une soupe (borsh, orthographe ?) 1 euro.
Bref, on tient facilement notre budget. Parfois l’hôtel est très soviétique surtout dans des villes où ne passe aucun touriste parce qu’il n’y a rien à voir, mais alors là, rien de rien. Mais nous on aime bien et c’est là que les gens sont plus ouverts et curieux et topent la main. Dans ces hôtels on a l’impression d’être fliqué. Ils gardent le passeport des plombes pour l’enregistrement, demandent pourquoi il manque des feuilles d’enregistrements entre telle date et telle date (euh, on était chez l’habitant… Non, on ne dit rien, parce que d’abord on ne comprend rien !)
Les bouleaux :
Pour les russes, le bouleau fait partie de la vie. Il est partout, des millions, des milliards de bouleaux aux troncs blancs scintillants. C’est le symbole de la Russie et ce qui est le cœur de la terre natale.
C’est un arbre généreux, il sert à construire les maisons, à se chauffer en faisant peu de cendres, à fabriquer des souliers, comme médicament énergisant et diurétique en pressant l’écorce. Au printemps, on recueille sa sève. Un bouleau donne 40 l de sève par jour et ça peut aller jusqu’à 60 L sans meurtrir l’arbre. Voyez, on a creusé la question ! Cet arbre au tronc si blanc (plus il vieillit plus il se tache de noir) vit 150 ans quand, dans nos contrées il peine à atteindre l’âge de 50 ans.
On utilise ses feuilles dans le sauna pour se fouetter car les feuilles libèrent un truc qui agit sur la circulation. Ça, je l’ai lu et le sauna c’est niet, j’ai l’impression que la chaleur arrête mon cœur et il a trop envie de battre encore…
Durant des centaines de kilomètres, les bouleaux sont nos compagnons, comme une barrière blanche protectrice le long de la transsibérienne. C’est propice à la rêverie tant pour moi derrière Jean-Luc que pour lui qui nous mène à bon port.
Souzdal, une halte de beauté :
Un enchantement
Une toute petite ville tellement paisible, tellement élégante. Elle est dans la ronde de l’anneau d’or, bien connue des touristes qui vont à Moscou et en excursions. On a aimé le couvent et ces bâtiments blancs, ces maisonnettes de nonnes en bois, l’atmosphère quasi mystique et le silence qui régnait. Des plaques de neige immaculée et des ruches sous les poiriers ou abricotiers, je ne sais jamais reconnaître un arbre aux branches nues dont les bourgeons sont si minuscules qu’on peine à imaginer les fruits à venir.
On a aimé la cathédrale orthodoxe sur la colline dont les bulbes d’un bleu marine profond étaient émaillés d’étoiles dorées.
On a marché, longtemps, très longtemps, fait le tour du kremlin, redescendu la pente raide jusqu’à la passerelle enjambant la rivière et rejoins notre logis où la propriétaire charmante nous avait préparé un repas.
La transsibérienne
Chacun a sûrement entendu parler des montagnes russes. Je connais aussi l’expression mais peut-être qu’on pourrait appeler cette route ainsi.
Nous montons, nous descendons sans fin. Une cote raide ou arrondie et une descente vertigineuse ou lente. Parfois la chaussée est aussi lisse que le crâne d’un chauve puis, d’un coup, elle devient rapiécée et cahotante, puis redevient parfaite puis constellée de trous. De temps en temps à quatre voies, le plus souvent à deux voies. Jean-Luc maîtrise si bien que je ne serre plus les fesses ! Elle traverse des villages désolés, des villes énormes qui semblent surgir de nulle part et, quand on a roulé une centaine de kilomètres entourés des bouleaux, l’impression est bizarre.
Et on s’étonne de lire, loin de la ville, posés là, on ne sait comment Castorama, Leroy-Merlin, en cyrillique et en français. De vastes parking encore blancs de neige et si peu remplis, à se demander comment ces géants du bricolage tirent leur épingle du jeu.
On aperçoit un KFC, un supermarché Attac ! très peu de McDonald et c’est tant mieux, même si on aime bien l’Ecosse.
Puis tout redevient calme et la route reprend. Nous sommes seuls ou entourés de camions, à chaque instant tout change.
On bavarde en roulant, on se réjouit de l’étape du soir, on s’étonne de la douceur de l’air, de cette neige épaisse qui ne fond pas sous le soleil.
ET…. Arrêt total. Durant deux heures, avançant mètre par mètre, on ne sait pas pourquoi nous sommes bloqués et la file des camions s’étire sur plusieurs kilomètres. Sur l’autre voie ça file par groupes. On pense accident mais non, c’est un pont en construction ! Après deux heures sans quasiment bouger, nous repartons et pfuuuuuuit, il n’y a plus personne. Où sont les camions et les voitures ? Mystère non élucidé.
Tout ça pour dire que les montagnes russes existent pour de vrai et c’est la même chose pour nos émotions !
Le moral remonte en flèche, quand, longuement nous longeons la Volga d’un bleu laiteux, encore prise dans la glace.
Et Kazan
Le printemps n’est pas encore arrivé ici. Une pluie fine à la bretonne et un petit 4 ° ne nous empêche pas de partir nous balader. Cette ville peuplée à l’origine par des turcs autour de l’an 1000 est la capitale de la République du Tatarstan. Ne pas confondre avec les tartares (pas le fromage). Elle est restée dans le giron de la Fédération de Russie et avait été annexée par Ivan Le Terrible en l’an 1500 quelque chose. Pour plus de précision y’a qu’à aller sur wikipédia.
C’est une ville de contrastes où cohabitent chrétienté et islam. Le magnifique kremlin englobe dans son enceinte cathédrale orthodoxe et mosquée aux fins minarets. C’est le centre religieux musulman de Russie. Dans les rues abondent les restos tatars modernes et restos russes. L’ensemble est surprenant d’autant que l’empreinte soviétique est très forte. On s’est amusé à prendre des photos « it’s so viétik ». Peu de femmes voilées et si elles le sont ce sont de foulards rouges ou fleuris. Le marché ressemble aux souks et flotte un parfum d’épices. Nous voilà au Moyen-Orient ou en Inde ! Sauf que le froid est là.
Beaucoup d’autres mosquées ou d’autres cathédrales mais stop. Il nous fallait une carte Sim parce que le WiFi ne nous est pas autorisé. On en a trouvé un libre dans la rue pour écrire aux enfants que tout allait bien.
On dit de Kazan que c’est l’Istamboul de la Volga. Et elle est là, prise dans l’étau de glace qui se desserre à peine.
Bref, on a une carte Sim russe, un numéro de téléphone russe mais nous n’avons pas pensé à la faire activer.
Quand vous lirez ces lignes, nous aurons donc trouvé la solution.
Ce que Jean-Luc a aimé :
– Les brochettes de viande
– Les samossas
– La conduite des russes alors qu’on dit qu’ils roulent mal.
– Les centaines de kilomètres de nature ponctués de petites stations-service où l’on paye derrière une grille comme en Iran. Se demander où vit la personne et si quelqu’un, parfois, bien prendre la relève.
– La civilité qui veut que les jeunes cèdent facilement leur place dans le métro aux vieillards.
Ce que Dominique a aimé :
– L’immensité vertigineuse de la taïga sous un ciel lourd de pluie (même la Patagonie me parait plus petite, c’est dire).
– La ou les centaines de kilomètres sans âme qui vit et le bruit seul du vent dans le casque. Ce sentiment intense de mélancolie devant cet infini.
– Enlacer Jean-Luc en roulant pour lui dire comme je suis bien.
– Trouver l’épicerie ou le supermarket et découvrir des produits inconnus et…du hareng dont je ne me lasse pas.
– Prendre à la volée des photos ratées mais à 100km/h l’exercice est périlleux. On garde tout, tant pis…
– Et bien sûr, photographier n’importe quoi
Ce que nous n’avons pas aimé :
– L’accueil parfois glacial dans les hôtels tout laids
– Oublier d’acheter de l’eau (pas potable en Russie)
– Avoir le wifi bloqué et qu’il ne soit autorisé qu’aux russes.
On vous envoie des baisers à tous, parents, enfants, petits-enfants, famille, amis et à bientôt sur la route, au pied de l’Oural, aux portes de la Sibérie …